Nous avons un peu oublié qu’on l’appelait le Grand. Ce titre n’est pas usurpé car ce petit roi de Navarre, chef d’un parti minoritaire, le parti protestant, sut, par son sens de l’État et l’intuition très juste de ce qu’était le royaume de France, être le roi qui le sortit des guerres de Religion et imposa la paix. Dans sa « Prière pour le roi allant en Limousin », Malherbe dit bien la reconnaissance du peuple de France pour un roi si juste :
Et qui si dignement a fait l’apprentissage
De toutes les vertus propres à commander,
Qu’il semble que cet heur nous impose silence,
Et qu’assurés par lui de toute violence,
Nous n’ayons pas sujet de te rien demander.
Le fer mieux employé cultivera la terre,
Et le peuple qui tremble aux frayeurs de la guerre,
Si ce n’est pour danser n’orra plus de tambours. »
Il ménagea toujours Henri III
Comment ce chef de parti, ce hobereau gascon et béarnais, ce petit roi de Navarre a-t-il pu se hisser si haut et réussir si complètement ?
Il avait certainement quelques vertus naturelles d’entrain, d’enthousiasme, de vitalité, de générosité, de séduction, de facilité de contact avec tous, y compris les plus humbles, et surtout avec ses adversaires. Mais par-dessus tout, il était habité par un sens dynastique et par l’intuition de la nécessaire unité du royaume, qui lui fera toujours ménager le roi en place Henri III, lequel avait bien pressenti que Navarre serait son successeur et qu’il était donc nécessaire qu’ils s’entendent.
Au soir de la bataille de Coutras, lorsque Henri de Navarre, victorieux, à la tête du parti protestant, au lieu d’exploiter sa victoire, couvre vingt lieues à cheval pour jeter les drapeaux pris à l’ennemi au pied du lit de sa maîtresse, la belle Corysande, les gens de son parti y ont vu une faiblesse de la chair alors que ce détour était une grande habileté politique. En effet, s’il avait exploité sa victoire militaire, Henri IV se retrouvait fatalement face à Henri III, ce que ni l’un ni l’autre ne voulait à aucun prix. Le pape Sixte-Quint, farouche combattant contre l’hérésie, ne s’y était pas trompé quand il disait qu’Henri de Navarre était le seul homme d’État en Europe, et qu’il fallait souhaiter qu’il devînt roi de France parce qu’il rendrait au royaume sa grandeur, ce dont la papauté avait bien besoin, car « autrement le pape deviendrait le chapelain du roi d’Espagne ».
Il voulait des saints
Quand il fut certain d’être l’héritier, Henri IV comprit que, le royaume de France étant catholique, il devait abjurer l’hérésie protestante dans laquelle il avait été élevé et pour laquelle il avait combattu. Plus profondément, sa sagesse, sa prudence et son sens de la mesure le détournaient de l’erreur qui était en train de gagner toute la chrétienté et qui consistait à diviser l’Église en autant d’églises nationales ou princières.
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