Un sondage auprès des laïcs est toujours une mauvaise idée. - France Catholique
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Un sondage auprès des laïcs est toujours une mauvaise idée.

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Le sondage est un des grands outils des campagnes politiques modernes, et aussi l’un de leurs poisons.

Un sondage peut être sauvagement inexact. Si l’on examine pratiquement tous les sondages qui ont eu lieu avant le vote de la loi sur le mariage pour tous dans les nombreux États où elle a été rejetée. Ils montraient universellement que le mariage traditionnel perdrait. Mais à part une seule exception, c’est le mariage traditionnel qui a gagné, même dans des États de gauche.

Le sondage repose sur des quantités d’impondérables qui peuvent influencer la personne qui répond : La manière dont est formulée la question, la taille de l’enquête, et sa provenance.

Les résultats des sondages sont souvent utilisés, non pas pour se renseigner sur ce que les gens pensent vraiment, mais pour les faire pencher dans un sens ou un autre. Un candidat qui perd 15 pour cent dans une série de sondages peut ensuite perdre ses soutiens car ses électeurs potentiels sont complètement démoralisés.

Alors, pourquoi l’Église a-t-elle fait circuler un questionnaire sur les questions brûlantes telles que le mariage homosexuel, le divorce et la contraception ? L’Eglise est-elle maintenant prête à changer son enseignement sur la base des résultats de cette enquête ? Les grands courants des medias le pensent, ainsi que les catholiques progressistes.

L’Église a programmé une Assemblée Générale extraordinaire du Synode des Evêques pour étudier particulièrement les « défis de la pastorale de la famille dans le contexte de l’évangélisation ». Elle doit se tenir en octobre 2014. Le 18 octobre dernier, le secrétaire général du Synode des Evêques a envoyé un document préparatoire aux évêques du monde entier et à d’autres personnes,. Ce document contenait un questionnaire et leur demandait de le répandre immédiatement, aussi largement que possible…pour que l’on puisse recevoir des apports de sources locales.

Soyons clairs : Ce qui m’ennuie dans cette affaire, c’est moins les intentions du Vatican, que la manière dont le questionnaire est utilisé par les progressistes. De tels questionnaires, à la recherche des réactions des évêques, ont déjà été mis en œuvre. Et il n’est pas vraiment établi que le Vatican, dans le cas présent, ait demandé la participation des laïcs.

En tous cas, la réaction a été à la fois rapide, excitée et prévisible. La pression démocratique du groupe catholique de « l’Alliance pour le Bien Commun » a aussitôt créé un site : www.papalsurvey.com où ils vont rassembler les réponses et les faire suivre au Vatican.

Toujours excitée, la revue « National Catholic Reporter » a écrit : « Le Vatican a demandé aux conférences nationales des évêques du monde entier de procéder à un sondage de grande envergure parmi les catholiques, pour avoir leur opinion sur l’enseignement de l’Eglise sur la contraception, le mariage homosexuel, et le divorce ». Ils ont continué en annonçant que c’était la première fois que la hiérarchie de l’Eglise demandait une telle réaction de la part des catholiques de base, au moins depuis la création de système des synodes.

Certains diocèses ont mis avec ardeur le questionnaire sur un site internet nommé « survey monkey » (le singe inquisiteur) . C’est le cas de l’Eglise en Angleterre et au Pays de Galles, ainsi que celle de Broken Bay en Australie. Il y en a probablement d’autres.

Attardons-nous une minute là-dessus : Survey Monkey est un site public où n’importe quel internaute peut se rendre pour intervenir.

J’espère que d’inébranlables traditionalistes s’y sont installés pour pousser leurs équipes à répondre, autant que le font sans aucun doute les progressistes. Je soupçonne que des athées provocateurs y répondent aussi, et peut-être des musulmans aussi. Pourquoi pas tout le monde ? Pourquoi ne pas faire voter tout le monde sur l’enseignement de l’Eglise ?

Mais après tout, qu’est-ce que c’est que ce document ? Des documents préparatoires (lineamenta) on en envoie toujours aux évêques avant un Synode, et avec ces documents, il y a des questions sur lesquelles les évêques doivent réfléchir. Et sur ces questions, on recommande aux évêques de faire des consultations, et de venir avec des réponses.

Ce qui n’est pas clair cette fois-ci, c’est de savoir si on a vraiment réclamé une consultation aussi large, si c’est vraiment ce qui est en train de se passer. Et il est plutôt évident que la lettre du Vatican n’a pas demandé précisément un sondage des laïcs. Elle demande un « apport des sources locales. »

Que diable cela veut-il dire ? Pour les catholiques d’Alliance pour le bien commun, cela veut dire sonder le public en général, et, c’est triste à dire, pour l’Eglise en Angleterre et au Pays de Galles, c’est pareil.

Mais si on lit les questions elles-mêmes, On a du mal à se figurer comment un laïc, même très instruit et parfaitement catéchisé, pourrait y répondre. Et il faut remarquer que les questions ne concernent pas tant l’enseignement de l’Eglise en soi (comme le rapportent les progressistes et les media), mais la manière dont cet enseignement est reçu et compris.

Regardons la première question : « Décrivez comment l’enseignement de l’Eglise catholique sur les valeurs de la famille, contenu dans la Bible, Gaudium et Spes, Familiaris Consortio, et les autres documents post conciliaires du Magistère, est compris par les gens aujourd’hui. »

Et celle –ci : « Quelle est la place de l’idée de la loi naturelle dans les espaces culturels de la société ? Dans les institutions, l’éducation, les milieux académiques, et parmi la population en général. Quelle idée anthropologique sous-tend la discussion sur la base naturelle de la famille ? »

Qui peut penser qu’un laïc normal est équipé pour répondre à de telles questions ? Ma femme est une juriste cultivée de Georgetown qui a travaillé sur des cas légaux et politiques compliqués toute sa vie professionnelle. Elle sécherait devant de telles questions, et la plupart d’entre nous aussi.

Et puis, il y a les questions qui ne peuvent que causer des dégâts. A propos des relations entre personnes du même sexe, les seules questions se rapportent aux « unions civiles » et à l’attention pastorale qu’il faut accorder à de telles unions. Rien en tous cas à propos de la compréhension par les catholiques de ce que le mariage homosexuel n’est jamais autorisé, et que l’adoption par des couples homosexuels fait « violence »  à l’enfant, selon ce que l’Eglise enseigne.

Et puis, regardez comme un groupe progressiste réécrit les questions pour avancer dans son propre programme. Les catholiques d’Alliance pour le bien commun demandent : « Comment votre communauté paroissiale accueille-t-elle les couples de même sexe, et les personnes homosexuelles ?

Comment sont-elles intégrées à la vie de la paroisse ? Leur donne-t-on assez d’espace pour être des membres pleinement actifs de l’Eglise ?
Ce traitement n’est même pas dans l’ «enquête papale » mais on voit bien ce que font ces types-là.

Finalement, on joue avec les attentes des gens, et c’est très dangereux. Que l’on se rappelle la grande attente qu’avait portée le rapport de la commission du Vatican sur la contraception, dans les années 60. Le monde entier savait que le Vatican allait autoriser la pilule.

Quand le pape Paul VI, avec courage, a sorti « Humanae Vitae », il y a eu un choc dans le système qui résonne encore aujourd’hui, largement dû à des attentes contrecarrées. On se demande quelles attentes se construisent sur cette enquête papale.

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Austin Ruse président de l’Institut catholique de la famille et des droits de l’homme.

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/polling-the-laity-is-always-a-bad-idea.html