Hier, nous évoquions le contenu des vœux politiques développés ces jours-ci, et j’aimerais un peu poursuivre leur examen. Natalie Nougayrède, la directrice du Monde, en appelle aux valeurs, en ne craignant pas dans un éditorial de citer le pape François qui, à Lampedusa, dénonçait la mondialisation de l’indifférence. Je me rallierais volontiers à un si beau programme, clairement lié à l’éthique, si j’étais vraiment sûr que nous nous retrouvons pleinement sur le socle de valeurs qui nous est proposé.
Mais j’en doute, rien qu’à analyser ce numéro du quotidien. Il y a d’abord un problème de déontologie journalistique. Lorsqu’on persiste à évoquer l’affaire d’Angers et l’insulte proférée à l’égard de Christiane Taubira, en lui donnant une amplification démesurée, c’est comme si l’on voulait faire croire que c’est tout le public de la Manif pour tous qui serait coupable, et pas seulement à Angers. C’est faire aussi peser l’opprobre sur la famille d’une enfant, comme si celle-ci portait la responsabilité d’une bêtise odieuse, qu’elle déclare par ailleurs réprouver. Si l’appel aux valeurs se mêle à des procédés aussi douteux, on peut exprimer un certain scepticisme sur un consensus possible.
Mais il y a encore autre chose. Dans un entrefilet de ce numéro du 7 janvier du Monde, il est question d’un amendement sur l’IVG, qui doit modifier certains termes de la loi de 1975. J’en ai déjà parlé ici, mais je n’ai pas du tout l’intention de laisser passer sans protestation ce qui constitue une atteinte gravissime, même si elle est d’abord d’ordre sémantique, aux principes de notre droit et de nos valeurs civilisatrices.
Il s’agit de supprimer dans la loi la mention qui qualifie l’avortement de « dérogation » et la mention qui le dépénalise au nom d’une cause de détresse. Dérogation, détresse : il s’agirait de notions désuètes, à faire disparaître d’urgence. Eh bien, nous sommes un certain nombre à être indignés de cette mutation du texte qui change l’esprit de la loi. Non, il n’y a décidément pas de consensus sur les valeurs, et nous le déplorons !