Un rabbin à Notre-Dame - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Un rabbin à Notre-Dame

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La conférence de Carême de dimanche dernier a été quelque peu perturbée à Notre Dame. Une cinquantaine de jeunes gens de sensibilité traditionaliste sont, en effet, intervenus, pour empêcher le rabbin Rivon Kryger de s’exprimer dans la cathédrale, au prétexte que c’était un outrage que d’y faire parler quelqu’un qui confessait une autre foi que la foi chrétienne. Je ne doute pas de la sincérité de ces jeunes gens, mais ils se sont montrés un peu péremptoires, sinon injurieux dans leur façon de juger d’autres chrétiens, et a fortiori le cardinal archevêque de Paris ! Si j’en avais la possibilité, je leur proposerais une discussion approfondie sur la volonté du concile Vatican II d’ouvrir un dialogue en vérité avec ceux que le grand poète polonais Adam Mockiewicz appelait « nos frères aînés ». Mesurent-ils le poids de l’Histoire et la catastrophe qu’ont constituée l’anti-judaïsme et l’antisémitisme au long des siècles, avec des conséquences tragiques au siècle précédent ? Peuvent-ils comprendre qu’entre juifs et chrétiens, il vaut mieux se parler que se haïr et demeurer à distance dans une méconnaissance butée des uns des autres ?

Parler avec l’autre, échanger sur les sujets les plus essentiels, ce n’est nullement trahir sa foi, c’est au contraire l’approfondir dans un dialogue exigeant. Bien sûr, il y a des dérives dans le dialogue inter-religieux, avec des tentations de relativisme et de syncrétisme. Mais ce n’était nullement la direction choisie par l’Eglise à Vatican II, où au contraire, il s’agissait de promouvoir la rencontre en vérité. Il est inconcevable dans le monde tel qu’il est aujourd’hui, et à l’heure des grands brassages de civilisations, de se réfugier dans une attitude de type solipsiste, un splendide isolement, un enfermement dans une forteresse qui nous retrancherait des autres convictions qui se partagent les peuples. Ce serait littéralement suicidaire. Le courage de la mission, c’est au contraire d’affronter l’autre dans sa différence, non pour y acquiescer, s’y rallier, mais pour aller au maximum de ce qui est possible dans le dialogue du Salut. Et ce dialogue suppose la plus scrupuleuse honnêteté, la plus exacte probité intellectuelle, celle qui exige que l’on se purifie de toute sorte de préjugés qui masquent les convictions de l’autre.

Avec le judaïsme, les retrouvailles étaient d’autant plus importantes que, chrétiens et juifs, nous appartenons à une histoire commune, et que sans la tradition du Premier Testament, il n’y aurait tout simplement pas de christianisme. Trop longtemps ce que Jules Isaac a appelé la culture du mépris nous a éloignés de nos frères aînés. Grâce à Vatican II et à l’action de réconciliation menée par Jean-Paul II non sans difficultés, un nouveau climat est né, un climat de confiance qui nous permet de communiquer même sur la théologie. Ce qui était rigoureusement impossible hier. Les jeunes perturbateurs de dimanche préfèrent-ils le climat de suspicion d’hier et les dérapages antisémites ? Savent-ils qu’il a fallu aussi du courage au rabbin Kryger pour venir parler à Notre-Dame, et qu’il n’est peut-être pas compris par tous les membres de la communauté juive ?

Il faudrait peut-être dire aussi qu’avec un interlocuteur comme Dominique Folscheid, excellent philosophe et chrétien profond, il n’y avait aucun risque d’équivoque, mais au contraire la chance d’une réflexion sérieuse, beaucoup plus apte que la méfiance et la méconnaissance de l’autre, de rendre témoignage à notre foi. J’ajouterai aujourd’hui : notre foi en Jésus fils de Marie, elle-même fille d’Israël.


Conférence de Carême à Notre-Dame de Paris par M. le Rabbin Rivon Krygier (photo) et M. Dominique Folscheid.

http://radionotredame.net


Grand Témoin, avec le lectionnaire « Magnificat ».

http://www.radionotredame.net

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