L’Église de France vit des heures de vérité : on la disait mourante, elle vient de fournir le gros des troupes qui ont mis en fureur les va-t-en guerre de la « nouvelle civilisation » ! Inactive, alors qu’elle fourmille d’individualités sans cesse sur le pont, en train de secouer le hamac où certains de nos évêques pensaient peut-être dorloter leur retraite. En panne des neurones alors que chaque année les écrivains catholiques de langue française sortent des presses nombre de livres de haute tenue.
Un ami, Michel Canavaggio, dont j’ai publié un ouvrage des plus utiles sur le néo-bouddhisme aux éditions Andas, en est un exemple : trop de chrétiens se laissent gagner par la mode et se mettent à suivre le Dalaï Lama plutôt que Jésus-Christ… Il vient de m’écrire à propos du Grand Prix Catholique de littérature attribué cette année à Didier Rance pour son ouvrage sur John Bradburne :
« … après mes 4/5 jours à Paris, […] je voulais te redire par écrit, et mieux qu’au téléphone, le message que j’ai laissé sur ton répondeur, au lendemain de l’excellente soirée passée chez les Écrivains Catholiques. Didier Rance m’a subjugué par toutes ses qualités humaines et spirituelles : il fait honneur à la France et à l’Église, et du même coup à l’Association qui a bien fait de lui décerner le Grand Prix pour un livre dont le sujet m’était mal connu, et pour tout dire étranger, bien que mes amis anglais (et un site Internet à peine consulté) m’aient donné une première idée du personnage hors du commun, ce « vagabond de Dieu », l’extraordinaire John Bradburne. »
Moi aussi je suis heureux que ce prix couronne ce diacre dont la vie a été et continue d’être toute dévouée au service du Peuple de Dieu. Longtemps il fut l’animateur efficace de l’association Aide à l’Église en Détresse (AED-France). Je n’ai pas encore pu lire son livre mais une fois terminé l’examen du livre de l’anglican Thomas de Wesselow sur le Saint Suaire de Turin, publié par les éditions Jean-Claude Lattès, brique de belle apparence, gros livre de 572 pages, je tâcherai de me mettre dans les pas de John Bradburne…
« J’ai très vite sympathisé, poursuit Michel Canavaggio, avec Didier Rance, et fait la connaissance d’une ou deux personnes de l’Association, dont le Père Jacques Benoist, un ami très proche de Jean Duchesne, mon ancien camarade de prépa à Condorcet, que j’ai revu en 2010, à l’occasion de retrouvailles chaleureuses. 1 J’ai aussi revu le très sympathique photographe, Louis Monnier, que tu connais personnellement, auteur de bons clichés pour les Cahiers Bleus et pour l’Association. »
Vient d’être publié l’annuaire des adhérents de ce qui n’est pas une association mais un syndicat créé avant la guerre de 1939 : parmi les quelques 380 écrivains qui le composent, je relève des noms d’amis, de personnalités du monde des médias catholiques, quelques collaborateurs de grands journaux, des évêques et de simples prêtres… Y figurent quelques-uns de ceux qui furent couronnés soit par un Grand Prix, soit par une mention spéciale… Une forte impression se dégage de cette liste où, hélas, ne pouvaient être mentionnées les œuvres de chacun : certains n’ont écrit que deux ou trois livres mais d’autres beaucoup plus, parfois une cinquantaine : je sais que l’un d’eux a livré à son public quelques 140 titres ! L’annuaire aurait alors été un véritable dictionnaire, trop coûteux à publier…
Mais la remarque qui m’importe est celle-ci : l’activité intellectuelle de cet ensemble est considérable. Elle est vérifiable dans les nombreuses recensions qu’en donnent la France Catholique, la Nef, l’Homme Nouveau sans parler des nombreuses revues telles Kephas, Catholica, Christus, des différents bulletins diocésains… On est très éloigné ici de la médiocrité qui se dégage de la multitude de romans aujourd’hui publiés en France : entre six et sept cents titres par an ! À peine probablement une vingtaine dignes de sortir du lot ! Cependant la « grosse » presse ne donne généralement qu’une part infime à ses publications.
L’Église vit aussi de cette émulation créatrice : les chrétiens explorent tous les registres de l’orgue scriptural, autant le mode prosaïque que le poème, autant l’essai savant que l’enquête journalistique, le théâtre, la controverse… La littérature catholique n’est pas morte avec le siècle dernier, elle est dynamique, vigoureuse, exigeante ; elle vise à participer à sa façon au grand chantier de ce siècle : la nouvelle évangélisation.
Dominique Daguet