Un plaisir: critique/louange du dernier livre du Pape - France Catholique
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Dieu face à l'État
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Un plaisir: critique/louange du dernier livre du Pape

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Alors que Jean-Paul II vieillissait, le cardinal Ratzinger le sollicita pour être relevé de ses fonctions à la Curie — et nommé à la tête de la Bibliothèque vaticane. On connaît la réponse du pape Wojtyla : NON. Nous ignorons si ce fut accompagné d’un bon rire. Mais il sentait bien que le Ciel avait d’autres vues sur son très cher ami et proche collaborateur. Mais en tant que Benoît XVI, pape érudit s’il y en eut jamais, Ratzinger n’a pas relégué son amour des livres et de l’écriture; c’est ainsi que nous avons désormais le troisième tome de son étude – exégèse « Jésus de Nazareth » tome sous-titré « L’enfance de Jésus ». Le Pape est retourné aux sources. En fait, il montre ce qu’ont précisément dit les Évangélistes dans leurs généalogies : Matthieu a suivi le chemin de David à Jésus, et Luc est remonté jusqu’à Adam… pour revenir à Jésus. Leur tâche — c’est le but de tout le Nouveau Testament — consistait à établir pour les générations à venir l’identité de Jésus, tout comme le Seigneur l’avait fait patiemment avec les Apôtres: « Et pour vous, qui suis-je? » À la synagogue de Nazareth, le Seigneur lit la prophétie d’Isaïe « pour porter la bonne nouvelle aux pauvres… annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue…», et Jésus dit à l’assemblée : « aujourd’hui s’accomplit à vos oreilles ce passage de l’écriture.» (Lc 3:18… 21). Exprimant la pleine vérité, Jésus commence à révéler sa propre identité par la lecture de la Torah et des livres des prophètes, et sera ainsi proclamé comme l’accomplissement non seulement des promesses au peuple Juif, mais pour l’histoire elle-même de la destinée des hommes. Le Saint-Père met en lumière les mystères des prophéties, l’Annonciation, les récits des évangiles, avec une érudition parfaitement pédagogique. « Jésus de Nazareth : l’enfance de Jésus » n’est pas une encyclique infaillible, et ne peut donc être considéré comme un élément du Magistère. (en réalité, le pape a insisté dans les ouvrages précédents sur leur caractère personnel). Mais ce dernier tome, comme les précédents, est tellement bien bâti, élégamment écrit, et si justement orienté qu’il atteint, pour un document non-canonique, des sommets qu’on croirait inaccessibles. En disant « si justement orienté » je veux dire que, page après page, le Pape réussit à conserver la véritable identité de Jésus comme un leit-motiv. Il propose des vues d’érudition et de spiritualité qui se déroulent comme une musique, ce qui convient parfaitement au musicien qu’il est. « « Réjouis-toi » — nous le savons — est la première parole [de l’Annonciation], salutation courante en grec. Ces mots de l’ange ouvrent la porte aux peuples du monde entier: l’universalité du message chrétien est alors évidente. Et pourtant il provient de l’Ancien Testament, assurant une continuité totale dans l’histoire biblique du salut. » Remarquons qu’en général dans les récits de l’Écriture l’apparition d’un ange déclenche une sorte de panique chez les gens, mais pas pour Marie. Elle seule est sans crainte, vraisemblablement parce que conçue immaculée. Le portrait que nous trace le Pape de Joseph, un « zaddik », un homme juste, est parmi les passages les plus touchants de l’ouvrage, plein d’affection. Le père nourricier de Jésus est un homme dont les racines plongent dans les eaux vives de la parole de Dieu, dont l’existence s’écoule en dialogue avec Dieu, « homme d’Évangile avant que l’Évangile ne fût. » Sur le mystère essentiel de l’Incarnation — en opposition aux légendes selon lesquelles ce ne serait qu’une redite des récits de « naissances de dieux » — le pape écrit qu’il s’agit d’une vérité entière et absolue, même si cette vérité restait cachée du vivant de la Vierge Marie. Mais en réalité… « …ce n’était pas une histoire bâtie à partir d’une idée transformée en un évènement mais au contraire un événement proprement dit, un fait notoire [après l’Assomption] devenant un sujet de réflexion…» Redisons-le, un événement précédemment dit « impossible » est revu après tout comme survenu et incomparable à n’importe quel autre évènement, passé ou à venir. Et les premiers Chrétiens l’ont sans doute entendu de la bouche de La Vierge Marie elle-même. Nos lecteurs sont familiers avec les querelles d’érudits sur la date de naissance du Christ. La situer en début du premier siècle contredit certains évènements historiques: la mort d’Hérode; l’époque du mandat de gouverneur de Syrie de Quirinius; la période du recensement de l’empire Romain. Benoît XVI traite tout cela habilement et avec élégance, expliquant, par exemple, qu’il faut faire confiance à Luc qui était mieux placé que n’importe quel historien actuel pour parler de ces évènements. Le Pape ne propose pas une réécriture du récit de la Nativité tel que diffusé au collège Saint-Malachie (Irlande du Nord) mais il s’arrête sur tous les détails charmants du récit évangélique : la crèche, les animaux, le bébé emmailloté, les bergers, Bethléem, l’étoile, les anges les rois mages. Tous cela est conforme à la tradition juive (et à l’anthropologie et à l’archéologie) et se comprend dans l’accomplissement du Christ. Benoît XVI trouve en tous points confirmation de l’enseignement millénaire catholique. Il pose des questions parfois abruptes, parfois même glaçantes, mais apporte des réponses lumineuses. L’identité latente de Jésus Christ apparaît — non pas pour le Seigneur Lui-même, car parfaitement claire dès le commencement, mais dans l’esprit des humains : Élisabeth, Zacharie, Siméon, Anne. Les anciennes promesses sont tenues par la venue d’un bébé. Le Pape est ici dans le droit-fil des événements lancés dans le temple de Nazareth et soutenus passionnément par les Apôtres, particulièrement par les quatre Évangélistes, en vue de dire à un monde inconscient que le roi de l’univers est venu en notre monde. Ils nous ont montré, et Benoît XVI continue à nous montrer, comment tout ce qui se passe dans ce monde de folie, de violence, peut se retrouver dans la paix du Christ. Et le plus sidérant est que Benoît XVI arrive à nous montrer tout cela en environ 120 pages. Quelle chance nous avons de pouvoir entendre un tel maître.