Un peuple entier en prière - France Catholique
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La justice de Dieu
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Un peuple entier en prière

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Dans l’émotion col­lective qui nous étreint depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010, une évidence émerge de tous ces décombres : la foi d’Haïti. À entendre les radios et télévisions hexagonales peu suspectes de bienveillance pour la pratique religieuse, c’est tout un peuple qui prie. À chaque extraction d’un survivant, événement joyeux qui se raréfie au fil des jours, les reporters ne sont pas avares du mot « miracle », pris dans son sens plein.

D’ailleurs, on constate souvent que ces miraculés prient à la vue de la lumière du jour et qu’ils ont prié durant leur ensevelissement. De tout leur peuple, ils sont comme les signes d’espoir, la promesse d’un renouveau. Plus le temps avance, et plus on croirait leurs silhouettes amaigries surgies du tombeau.

Naturellement le nombre de ces « miraculés » est en proportion de celui des victimes. Mais avouons que leur destin nous console de notre peine trop lointaine et presqu’impuissante. On dit qu’il faut des images de sauveteurs, de sauvetages et de rescapés pour panser le traumatisme que la vision trop crue de catastrophes peut induire chez les enfants. C’est donc que nos cœurs d’enfants ont besoin de signes de vie.
Psychiatre spécialisé dans les catastrophes, Christian Navarre explique carrément que la Foi aide les personnes privées d’eau ou de nourriture à rester en vie, au-delà de ce qui semblait médicalement possible.
Plus de la moitié des Haïtiens sont catholiques et près de 30% protestants. Pour le docteur Navarre le fait que ce peuple soit si croyant est désormais un « ressort » pour reconstruire le pays.

Les journalistes du monde entier et notamment français affichent ainsi leur stupéfaction devant les immenses rassemblements de prière qui continuent d’animer Haïti aux abords des églises en ruine. Alors que la souffrance innocente est si souvent avancée comme preuve de l’inexistence de Dieu, ou de son absence de bonté, les Haïtiens torturés le louent pour avoir survécu, lui confient leurs disparus, et lui demandent son aide.
Bien sûr, pareille ca­tastrophe humanitaire provoque à la fois de la générosité désintéressée, qu’elle soit ou non animée par la Foi, et des entreprises peut-être moins honorables. Les sectes ont tendance à « prospérer sur la misère » selon l’expression d’un prêtre catholique œuvrant dans un bidonville de Port-au-Prince. Les médias français se montrent surtout critiques depuis qu’ils ont vu atterrir à Haïti, dans son Boeing privé, le scientologue John Travolta. L’acteur est venu épauler ses coreligionnaires en T-shirt jaunes dénommés « ministres volontaires ». On les dit adeptes de procédés d’assistance par le toucher qui choquent les médecins d’urgence. Faut-il alimenter la critique d’une Amérique prosélyte et fondamentaliste, sautant sur le drame humanitaire avec comme laissez-passer une imparable pluie de dollars ? Difficile de mesurer la part que le laïcisme français prend dans ces analyses. Les missions protestantes évangéliques des États-Unis sont flexibles et vite mobilisables pour les actions d’aide humanitaire. Plusieurs de leurs équipes, en arrivant avant certains sauveteurs commandités par les États auraient simplement montré leur efficacité.

Quoi qu’il en soit, ce n’est pas la première fois qu’au milieu des épreuves rayonne la foi populaire et jaillissent des trésors de charité tandis que le désir de vivre confirme son caractère d’impulsion naturelle. C’est plutôt rassurant.

Tugdual DERVILLE