« Ce petit moine est dangereux. » Venant d’un nazi, ce commentaire vaut titre de gloire pour celui qui en est la cible. Et c’est bien celui qui est formulé par les autorités SS lorsqu’elles se décident à mettre hors d’état de nuire le Père Titus Brandsma, figure majeure de la résistance spirituelle aux Pays-Bas. Non seulement ce carme âgé de 60 ans, issu d’un milieu modeste et d’apparence fragile, se permet d’appeler les journalistes de la presse chrétienne à refuser les injonctions de la propagande pro-allemande, mais en plus ce « savant protecteur des brigands juifs » refuse de fermer les yeux devant les persécutions raciales. On sait par ailleurs qu’il exerce une forte influence sur ses étudiants de l’université catholique de Nimègue.
Avant l’invasion, enfin, il s’était déjà imposé comme l’un des adversaires les plus résolus du Nationaal-Socialistische Beweging der Nederlanden (NSB), le mouvement pronazi hollandais. Insupportable ! Le 20 janvier 1942, la police investit le couvent de Doddendaal. Le Père Brandsma, averti depuis plusieurs mois de la menace qui pesait sur lui, n’est pas surpris par cette intrusion. Après avoir reçu la bénédiction du prieur, il suit sans sourciller les hommes de main des occupants.
Résistance spirituelle
Un procès inique ne tarde pas à s’ouvrir. Titus Brandsma, sans jamais se départir de la douceur qui le caractérise et dont son regard est le reflet, répond du tac au tac au SS-Hauptscharführer Hardegen qui l’interroge. Et il assume sans faillir son engagement : « L’Église ne reconnaît l’autorité que dans la fidélité à ses propres principes », affirme-t-il au magistrat nazi. Il enfonce le clou : « J’insiste sur le fait que l’Église catholique s’estimerait contrainte de repousser les mesures qu’on voudrait prendre à l’encontre de sa doctrine ; elle n’en tiendra jamais aucun compte. On m’a fait savoir que je demeurerais en prison tant que durerait cette résistance. Je tiens à faire connaître que je fais mienne la position de l’Église néerlandaise. » La peine est prononcée immédiatement : ce sera l’enfermement jusqu’à la fin de la guerre. Dans sa prison d’Arnhem, l’humble carme, déjà affaibli par une santé précaire, ne manque pas d’humour. Enfin, se réjouit le moine dans un courrier, on lui a donné une « vraie cellule ». Il ne se fait cependant aucune illusion sur son sort : « Je suis heureux dans mes tourments car est-ce encore une torture, ce sort qui va m’unir à Vous », écrit-il encore. Cet intellectuel de très haute volée – il fut professeur de philosophie, de théologie et d’histoire de la mystique – ne perd pas un instant pour se remettre au travail.
Faute de papier, il entreprend la rédaction d’une biographie de sainte Thérèse d’Avila entre les lignes imprimées d’un ouvrage qu’il avait pu conserver.
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