Les vœux pour la nouvelle année sont l’occasion de reposer quelques grandes questions sur les orientations politiques en lien avec des perspectives morales. Ainsi parle-t-on assez volontiers de l’Europe et de sa construction en panne à partir des nations qui la constituent.
L’euroscepticisme, qui semble prévaloir un peu partout, trouverait-il son contrepoids dans le mouvement populaire, qui, en Ukraine, appelle à un rapprochement décisif avec l’Union européenne ? Peut-être, mais il faut faire très attention à la singularité de ce pays, tiraillé entre son ancrage à l’Est et ses aspirations vers l’Ouest. Qu’on le veuille ou non, nous sommes les héritiers d’un passé tenace, et ce n’est sûrement pas en essayant de l’effacer que l’Europe se construira dans la confiance et la sérénité.
Or, il apparaît qu’une certaine idéologie tend à exorciser l’héritage pour définir les règles d’une construction épurée, ramenée à quelques principes généraux du droit. Est-il vraiment raisonnable d’envisager les choses ainsi, hors-sol, hors traditions ? Bien sûr, il y a eu les deux catastrophes épouvantables des guerres intra-européennes du vingtième siècle. Ne fallait-il pas tout refaire à neuf et oublier ce qui avait été notre malheur commun ? Oui et non. Comme l’explique le philosophe politique qu’est Pierre Manent dans le mensuel Causeur : « On a réduit le passé de l’Europe aux prodromes et à la préparation du crime, le vieux continent se fixant dès lors pour principale tâche d’échapper à son histoire et à ses vieilles nations. » Et Manent de mettre les points sur les i : « Comment créerait-on du “commun” quand le christianisme qui est “la chose commune” la plus profonde des nations européennes, et l’ennemi principal de l’idéologie et des institutions européennes ? » Remarque dérangeante mais qui n’a pas fini de nous interroger depuis le refus d’un certain Jacques Chirac de se réclamer de ce « commun profond » du vieux continent.