Le miracle qui ouvre à la canonisation de Charles de Foucauld a eu lieu à Saumur. Que s’est-il passé ?
Père Bernard Ardura : Le 30 novembre 2016, un apprenti âgé de 21 ans, prénommé Charles, travaillait à la restauration de la charpente de la chapelle de l’Institution Saint-Louis de Saumur. Il se trouvait alors entre la voûte de la chapelle et le toit. Marchant sur la voûte, celle-ci céda et Charles fit une chute de 15,50 mètres. Il fut violemment précipité sur un banc de bois dont un accoudoir le traversa à la base de la cage thoracique. Charles ne perdit jamais connaissance, se releva immédiatement et alla demander du secours. Transporté à l’hôpital, il rentra chez lui au bout d’une semaine. Il reprit ses activités professionnelles, sans aucune conséquence tant physique que psychique. Pour les sept médecins de la Consulta Medica, la survie de Charles, avec des conséquences sans aucune proportion avec l’accident, ne peut être expliquée scientifiquement.
En quoi est-ce un miracle ?
Un miracle est une catégorie théologique, religieuse. C’est un signe donné par Dieu, à la prière du bienheureux Charles, invoqué quotidiennement non seulement dans sa paroisse de Saumur, mais prié dans le monde entier en l’année du centenaire de sa mort, afin d’en obtenir la canonisation. Après avoir étudié l’ensemble du dossier, les sept consulteurs théologiens ont conclu unanimement que ce cas pris en examen est une réponse du Ciel, un miracle opéré par Dieu, par l’intercession du bienheureux Charles de Foucauld, en faveur d’un jeune homme portant le même prénom que lui.
Qu’est-ce qui fait la sainteté de Charles de Foucauld ?
Sa sainteté ne peut se séparer de sa conversion. Il a découvert l’amour dont Dieu l’aimait alors même qu’il n’était pas lui-même « aimable », car loin de Dieu. Cette découverte à travers le sacrement du pardon, lui a fait comprendre que toute sa vie serait vouée au Christ et à lui seul, pour que son cœur dilaté par l’amour de Dieu puisse s’ouvrir à l’amour de tous les hommes. Aussi se désigna-t-il comme « frère universel ». Il vécut son existence de chrétien en vivant de l’Évangile et de l’Eucharistie.
Quel était son rapport à l’Eucharistie, notamment ?
Il nous rappelle l’importance de l’adoration, cette prière silencieuse, qui laisse seul s’exprimer notre amour pour Dieu. Son amour se donne à nous dans la lecture et la méditation de l’Évangile, dans l’accueil du prochain reçu comme le Christ et, d’une façon toute particulière dans l’Eucharistie où s’offre à nous le Christ, Fils de Dieu incarné, mort et ressuscité pour nous donner la vie.
Que représentait le Sacré-Cœur pour lui ?
Un 1er juin, début du mois du Sacré-Cœur, il écrivait : « Mois où on célèbre votre amour, votre amour qui vous a fait vous incarner, naître, fuir en Égypte, vivre caché à Nazareth, jeûner au désert, prêcher l’Évangile, souffrir, mourir, vous montrer ressuscité pendant quarante jours, quitter la terre en la bénissant, envoyer le Saint-Esprit, et rester enfin avec nous, jusqu’à la consommation des siècles, non seulement par votre grâce mais par votre présence réelle dans la sainte eucharistie. »
En quoi sa conversion est-elle significative pour aujourd’hui ?
La conversion est un changement de route. Bien souvent, surtout dans les périodes difficiles comme celle que nous vivons, nous nous limitons à vivre au jour le jour, peu à peu prisonniers non seulement de nos habitudes, mais aussi de nos penchants à l’égoïsme, à l’orgueil, qui sont à la racine de tous vices et, partant, de tous les péchés.
Elle est passée par une confession… Comment peut-il nous aider à nous mettre à genoux, à notre époque où il est difficile de se mettre à genoux, physiquement ou spirituellement ?
Charles de Foucauld n’était pas venu voir l’abbé Huvelin pour se confesser ; ce dernier lui a demandé de se mettre à genoux. Ce que nous ressentons comme un obstacle, est pour nous, ensuite, une libération. Le pape François nous le rappelle : « Nous nous lasserons peut-être de demander pardon ; Dieu ne se lassera jamais de nous pardonner ! »
Il se surnommait le « Frère universel ». Mais il était aussi très lucide sur la situation de la France par rapport aux musulmans. Qu’est-ce que cela nous dit sur la mission dans notre pays ?
La mission est annonce de l’Évangile, de telle sorte que la Bonne Nouvelle pénètre les cultures et la vie des personnes et des sociétés, contribuant ainsi à leur progrès intégral, conformément à la nature de l’homme.
D’autre part, la mission a régulièrement suivi les mêmes voies que celles des conquêtes et des diverses formes de colonisation. Les États ont souvent considéré les missionnaires comme de précieux auxiliaires pour la diffusion de leur culture et de leur influence. Cependant, dès 1659, la Congrégation romaine pour la propagation de foi, donnait des directives à tous les missionnaires : invitation à promouvoir le clergé local, et engagement pour l’inculturation, avec l’interdiction d’abolir les coutumes et les traditions locales, sauf si elles étaient en opposition avec la foi et la morale, comme les sacrifices humains ou la polygamie.
La mission exige de nous une continuelle conversion. C’est ce que nous invite à faire le bienheureux Charles de Foucauld.
Pour aller plus loin :
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918
- Liste des ouvriers pastoraux, Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Laics tués en 2011 et 2010
- Du Vrai, du Vécu sur Bernard Baray, ou le centenaire du peintre de L’Isle-Adam, des Cœurs Vaillants et des vies des saints
- « Il récitait la prière de Charles de Foucauld »
- La France et le cœur de Jésus et Marie