Chaque année, le Pape, quel que soit son nom, en s’adressant à la ville et au monde, ne manque pas de déplorer les souffrances des peuples, les guerres, les massacres, les drames du monde, en invoquant la miséricorde de Dieu et en invitant les dirigeants de la planète à œuvrer pour la paix. C’est son rôle, c’est la mission du successeur de Pierre. On serait surpris qu’il tienne un autre langage. Si le Pape ne prêche pas en faveur de la réconciliation et de la conciliation, qui le fera ? Mais, objectera-t-on, ce qui relève du rituel, a-t-il une quelconque efficacité à l’encontre du mal qui, en dépit de toutes les bonnes paroles, continue à s’acharner sur les pauvres gens. Depuis que le drame syrien s’est enclenché, le Pape n’a cessé d’élever la voix, sans être entendu des responsables et des coupables. Et ce n’est pas d’aujourd’hui ! Lorsque le Pape Benoît XV tentait une médiation pour arrêter les massacres de la Première Guerre mondiale, il n’était pas plus écouté. Il était même contredit, de la façon la plus cinglante en France, jusque dans la chaire de certaines églises.
Ce n’est pas une raison pour se taire. Si le Pape se taisait, le sang répandu crierait pour lui. Jésus ne disait-il pas, à propos de ses disciples le jour des Rameaux : « Si eux se taisent, les pierres crieront. » Le Pape ne peut pas laisser les pierres crier à sa place, sous peine, oserais-je dire, de défaillir. Selon le mot de saint Ignace d’Antioche, dès le premier siècle, l’Église de Rome préside à la charité. Une charité qui ne concerne pas seulement la communion intérieure de l’Église. Mais pour le comprendre vraiment, il faut revenir au mystère chrétien, tel qu’il se révèle en plénitude durant cette grande semaine de l’année. Le Christ, en épousant notre nature et en s’engageant totalement dans sa passion, a pris sur lui tout le poids de notre humanité. Et l’apôtre Paul ose même énoncer ce paradoxe que le Christ s’est fait péché pour nous.
En d’autres termes, le Christ a porté la souffrance du monde sur la Croix et rien de ce qui arrive ici-bas et qui blesse les hommes ne lui est étranger, puisqu’il a tout assumé. Le Pape, en défendant la paix, se fait son interprète, mais surtout il exprime l’ampleur de l’action salvatrice de Dieu, expression de son amour sans limite pour nous.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 17 avril 2017.