Que penser de l’élection d’un maire musulman à Londres ? Selon les sensibilités, les opinions diffèrent. Est-ce la qualité de musulman qui doit prévaloir sur les autres caractéristiques de l’identité de Sadik Khan ? Lui-même prend grand soin de décliner cette identité sous tous ses aspects, et sans doute dans une logique de gradualité : « Je suis Londonien, Européen, Britannique, Anglais, de religion musulmane, d’origine asiatique, d’héritage pakistanais, je suis un père et un mari. » La déclaration a le mérite de la franchise. Le nouveau maire de Londres ne renie rien de ce qu’il est, de ses origines. Mais il est d’abord Londonien, et c’est à ce titre qu’il s’est présenté au suffrage de ses concitoyens. Il est important de considérer aussi qu’il est entré dans la symbolique proprement londonienne et britannique, en prêtant serment dans une cathédrale anglicane, au cours d’une cérémonie œcuménique. Il s’insère donc dans une tradition, qui lui est antérieure et le supporte, en quelque sorte, dans sa fonction.
Pourtant, à l’encontre de cela, j’ai entendu des objections assez vives. Le fait de célébrer la victoire d’un musulman à la tête d’une des principales capitales européennes résonnerait comme une sorte de haine de soi, de la part d’Européens fatigués de leur propre passé et prêts à se dissoudre dans une civilisation cosmopolite, négatrice de la vieille Angleterre. C’est une opinion à considérer avec attention, mais qui ne parvient pas à me convaincre complètement, sauf à être démenti par l’action de Sadik Khan. Sera-t-il une sorte de nouveau Disraeli, ce grand Premier ministre britannique, d’origine juive, qui a tellement contribué à façonner l’Angleterre moderne ? Saura-t-il associer le neuf à l’ancien, en s’inscrivant dans une continuité toujours à construire. Ce qui est sûr, en tout cas c’est que les convictions religieuses du maire de Londres sont à l’opposé d’un islam agressif, et qu’elles constituent un exemple puissant en faveur de l’intégration. Sadik Khan a mis son élection sous le signe de l’espoir à l’encontre de la peur et de l’unité à l’encontre de la division. Pourquoi ne pas le croire sur parole ?