Les Invalides ont été créés par Louis XIV en 1670. Aujourd’hui, que reste-t-il de sa mission d’origine ?
Général Christophe de Saint Chamas : Pour bien comprendre ce que sont les Invalides, il faut partir de la création de cet édifice. En voulant une construction grandiose, Louis XIV lançait un chantier royal destiné à faire rayonner dans toute l’Europe l’image du roi et la grandeur de la France. L’objectif est atteint car cet édifice est rapidement connu dans le monde entier. Mais la véritable dimension particulière de cette construction est sa finalité : Louis XIV décide de construire les Invalides, pour y accueillir des invalides, « caduques » et « estropiats », anciens et blessés dirait-on aujourd’hui. Et depuis 350 ans, cette mission perdure : il y eut jusqu’à quatre mille pensionnaires. Aujourd’hui, quatre-vingts grands invalides de guerre habitent aux Invalides et mon rôle est de veiller sur eux. Le plus surprenant est de voir que les Français l’ignorent. Ces pensionnaires sont la raison d’être historique de ces lieux magnifiques et chargés d’histoire.
L’endroit est aussi nécropole d’un certain nombre de chefs militaires, parmi les plus prestigieux. C’est dire la dimension nationale et historique du lieu ?
Lors de la construction de l’hôtel, une église prend place en son centre, dont la crypte permet d’accueillir des sépultures. Si les pensionnaires sont enterrés dans le cimetière, à l’ouest de l’édifice, les gouverneurs des Invalides, nommés à vie jusqu’en 1991, ont le privilège de pouvoir être enterrés dans le « caveau des gouverneurs ». Sur les 39 gouverneurs décédés, 30 y reposent aujourd’hui. Mais l’honneur d’être enterré dans ce caveau a été fait à des « gloires militaires » que le pays voulait honorer : des maréchaux d’Empire (Bugeaud, Exelmans…), de la guerre de 14-18 (Monoury, Franchet d’Esperey, Fayolle), de la guerre de 40 (Leclerc, Juin).
L’église du Dôme devient également un lieu dédié aux honneurs et à la mémoire : la première remise d’insignes de la Légion d’honneur y est célébrée le 15 juillet 1804. Plus tard, les maréchaux Foch et Lyautey y sont enterrés.
Progressivement, les Invalides deviennent ainsi un « Panthéon militaire », un concentré de l’histoire militaire de la France, un lieu de rassemblement, de recueillement, de mémoire, de fidélité et de concorde entre les Français.
Comment le caractère spirituel et religieux d’une partie de l’édifice – l’église Saint-Louis en est la marque – est-il aujourd’hui considéré par les autorités publiques ?
L’église Saint-Louis des Invalides a trois dimensions : c’est la chapelle des pensionnaires, car tous les dimanches la messe est célébrée pour eux. C’est également l’église des soldats. Ils peuvent y faire célébrer des messes, s’y marier, demander le sacrement du baptême. Une messe d’enterrement peut être célébrée pour les soldats décédés en service. Pour les anciens militaires, seuls les généraux peuvent être enterrés aux Invalides. Enfin, c’est la cathédrale du diocèse aux Armées, le siège de son évêque. Et je dois veiller à ce que l’utilisation de cette église se fasse en harmonie entre le diocèse aux Armées, le musée de l’Armée et l’État. Lorsqu’un pensionnaire décède, nous prenons contact avec l’aumônerie souhaitée par la famille afin que chacun puisse être enterré selon ses souhaits, aux Invalides ou ailleurs.