L’enquête de l’Ifop réalisée à la demande de l’Institut Montaigne sur l’islam en France apporte, sans aucun doute, des informations précieuses dans un domaine mal identifié. Il faudra attendre les réactions des spécialistes du sujet et leurs éventuelles corrections et objections pour porter un jugement critique. Mais les résultats de l’enquête confortent les idées a priori que l’on peut avoir du sujet. En gros, l’islam de France pourrait se répartir en trois groupes. Le premier rassemble ceux qui n’éprouvent pas de difficultés particulières à vivre selon les lois de la République. Il représenterait 46 % de l’effectif global. Le second (26%), fortement pratiquant, serait partisan d’une plus forte expression publique de la religion. Enfin, le troisième groupe conteste directement la laïcité. C’est à un tel point que l’Institut Montaigne qualifie de « sécessionnistes » les participants de cette tendance dont l’importance n’est pas du tout négligeable puisqu’ils constitueraient 28 % du total.
D’évidence, l’attention se concentre sur ce troisième groupe, eu égard au climat actuel et aux défis nationaux et internationaux que pose l’islam fondamentaliste avec tout son dispositif de conquête. On note que c’est lui qui attire souvent la jeunesse. Est-ce parce que l’islam est pour les jeunes un moyen de s’affirmer en marge de la société, selon l’expression de l’Institut Montaigne ? C’est possible, mais on peut discuter aussi de la qualité de l’enracinement religieux, éventuellement pour évaluer les risques d’extrémisme. Personnellement, je ne suis pas du tout d’accord avec l’affirmation exprimée parfois selon laquelle l’islam serait un effet de mode chez les jeunes. Les choses sont singulièrement plus complexes et s’enracinent dans une profondeur inaccessible à une mentalité areligieuse. Une bonne partie de nos experts est insensible à la nature du phénomène islamique, car elle ne perçoit pas comment la pratique religieuse peut investir une personnalité, par ailleurs insatisfaite des offres culturelles d’une société sécularisée. Je ne formule pas cette remarque pour excuser quoi que ce soit. Le phénomène religieux est ambivalent, comme l’a bien montré René Girard, mais il correspond à une attente fondamentale. Il y a des dégâts lorsque celle-ci est méconnue et refoulée. Mais il faut d’abord l’identifier dans son essence, pour percevoir la possibilité de dérive qu’elle implique.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 20 septembre 2016.
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