Un homme sur le point de mourir met ses affaires en ordre. Il prend des dispositions pour que ses héritiers aient leur subsistance après sa mort. C’est ce qu’a fait Notre Seigneur lors de la Dernière Cène. Faisant les derniers préparatifs avant sa Crucifixion, il laisse un héritage aux Apôtres et à travers eux à l’Eglise toute entière. Par conséquent, il nous donne l’Eucharistie, le nouveau commandement d’amour (le mandatum), la prêtrise, etc.
Nous entendons parler d’un de ces dons dans l’évangile de ce dimanche : je vous laisse la paix ; je vous donne ma paix. Je ne la donne pas comme la donne le monde. Ceci est une partie de ses dernières volontés et de son testament, une partie de notre héritage. Evidemment, « paix » est un de ces mots souvent employés et rarement compris. Ce à quoi le Seigneur pense ici n’est pas la paix politique mais spirituelle. Pourtant, la définition classique utilisée en pensée politique s’applique aussi : la paix est la tranquillité de l’ordre.
Le péché a troublé nos âmes, les a mises en désordre. Notre intériorité inquiète cause en retour des désordres autour de nous – dans la famille, la société, le monde. La grâce du Christ en nous libère nos âmes du désordre du péché. Il nous donne une tranquillité intérieure ordonnée en nous configurant à Lui. Une fois en paix intérieurement, nous pouvons alors (et seulement alors) être cause de paix pour les autres.
Il est intéressant de noter que Notre Seigneur ne dit pas grand chose à propos de la paix – même pas un verset complet. Pourtant, le contexte de Ses paroles en révèle l’importance et sa formulation précise révèle sa nature caractéristique.
« Je vous laisse la paix »… Sa paix nous est laissée. C’est quelque chose que l’on reçoit, on ne s’en empare pas, on le la fabrique pas. Comme le Christ Lui-même, Sa paix est « engendrée, non fabriquée ». c’est le fruit de Sa grâce en nous, et non quelque chose que nous atteignons par notre propre intelligence ou à la force du poignet. Nous ne pouvons trouver notre chemin vers cette paix ni l’avoir par nous-mêmes. Notre tâche est de répondre et de coopérer avec la grâce de paix de Notre Seigneur, non de la créer ou d’essayer de s’en saisir.
En fait, la tentative de fabriquer cette paix intérieure a habituellement pour résultat son exact opposé. (La sérénité à la demande!) Nous connaissons tous ceux qui pensent pouvoir apporter la paix par leurs propres efforts. Pour eux, la paix dépend du contrôle de la situation. De telles personnes, non seulement échouent à obtenir la paix pour eux-mêmes, mais en plus ils dérangent celle des autres. C’est une conclusion à tirer de la première lecture : ceux qui insistaient sur leur propre moyen de salut perturbaient la « paix de l’esprit » de ceux qui suivaient le Christ. Ce n’est pas en contrôlant le Christ que nous avons la paix mais en Le recevant.
« Je vous donne ma paix »… En définitive, seul Jésus-Christ peut dire cela, parce que Lui seul a une paix à donner. Etant à la fois Dieu et homme, Il est notre réconciliation avec le Père. Etant le Ressuscité, il a vaincu tout ce qui menaçait cette paix. Donc même la paix que nous donnons aux autres (voir Matthieu 9/13) n’est pas à nous en propre, mais la paix qu’il nous a confiée. Par ailleurs, Il ne nous donne pas quelque chose d’extérieur à Lui-même. Sa paix vient de l’intérieur. Vraiment, « Il est notre paix », comme le déclare carrément Saint Paul (Ephésiens 2:14).
« Je ne la donne pas comme la donne le monde ; » Le monde donne conditionnellement selon ses propres standards de richesse, de pouvoir et de plaisir. Si nous voulons la paix selon les termes du monde, alors nous devons avoir ces choses. Si nous attachons nos cœurs à ce que donne le monde, alors notre paix sera aussi fragile et instable que l’est le monde. Notre Seigneur donne une paix qui ne dépend pas des choses de ce monde et qui ainsi peut résister à tout revers, souffrance et même la pire des persécutions.
Le monde donne une sorte de compromis avec la vérité. En effet, il ne donne pas la paix mais seulement une trêve. Ou peut-être plus précisément, le monde menace de conflit si nous n’acceptons pas le compromis. Alors nous nous contentons souvent d’une fausse paix (comme nous le faisons de faux amours et de fausses compassions) au prix de la vérité. Cependant, la paix du Christ vient d’une connaissance et d’une adhésion à la vérité. C’est la paix qui vient parce que nous Le connaissons et que nous sommes trouvés en Lui (Philippiens 3:9-10).
Finalement, puisque la Grand Neuvaine au Saint-Esprit commence ce vendredi en anticipation de la Pentecôte, nous devrions noter la relation entre la paix du Christ et l’Esprit-Saint. Comme tout autre héritage, celui-ci devient effectif après la mort du Donateur. Contrairement aux autres cependant, cet héritage ne vient pas alors que le Donateur se sépare de nous mais alors qu’Il vient à nous d’une façon plus puissante, à travers Son Esprit.
Que ce même Esprit augmente notre intimité avec le Christ et fasse porter du fruit à Sa paix en nous.
Le père Paul Scalia est un prêtre du diocèse d’Arlington (Virginie) où il est vicaire épiscopal pour le clergé.
Illustration : « La descente du Saint-Esprit sur les Apôtres » par Mikhail Vruber, 1885 [église Saint Cyrille, Kiev, Ukraine]
Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/05/26/an-inheritance-of-peace/