Un guide de vote pour l'électeur catholique ? - France Catholique
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Un guide de vote pour l’électeur catholique ?

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Etant donnée l’élection probable du candidat à la présidentielle le plus férocement anti-catholique et pro-avortement qu’il y ait jamais eu (davantage encore que l’actuel occupant de la Maison Blanche), l’inévitable « jeu de blâme » est sur le point de débuter, même au sein de nos paroisses.

On me demande parfois de prêcher en chaire avec plus de fougue sur le sujet des élections. La plupart du temps, comprenez par là soutenir tel candidat ou tel problème qui a la faveur du requérant – la plupart du temps, il s’agit du nombre d’autocollants pro-avortement sur le parc de stationnement proche de l’église. « Ces gens ont besoin d’être convertis » – et c’est bien le cas, en effet. Mais en dehors d’une plaisanterie occasionnelle, j’évite de parler d’élections en chaire. Pourquoi ? Couardise ? Crainte en ce qui concerne l’exemption d’impôts pour l’Eglise ?

Avant chaque cycle électoral, à travers le pays, les bureaucraties de l’Eglise se ruent pour élaborer des « guides de l’électeur » catholiques. Les guides de l’électeur peuvent laisser à penser que le clergé est à la page, faisant quelque chose d’important sur des questions sensibles.

Il y a des réunions sans nombre, des comités, et des vérifications légales pour s’assurer que les guides respectent la législation sur les élections – spécialement ce qui pourrait mettre en danger l’exemption d’impôts de l’Eglise. Cela peut se comprendre. Mais dans le processus, une distinction importante entre le principe catholique et le jugement prudentiel se perd, tout comme les rôles respectifs du clergé et des laïcs.

A mes yeux, les guides d’électeurs « catholiques » ne sont jamais à la hauteur parce que, par conception, ils procurent des munitions à chaque candidat. Le candidat A peut se revendiquer pro-vie parce qu’il s’oppose à l’avortement légal à la demande. Le candidat B peut faire de même parce qu’il s’oppose à la peine de mort ou parce qu’il prévoit de dépenser davantage pour l’éducation, etc.

Franchement, un guide de l’électeur élaboré par le Planning Familial serait bien plus provocateur – et utile – que ce que nous préparent les bureaucraties ecclésiales.

Les prêtres et les évêques ont le devoir de prêcher clairement les principes catholiques en matière de foi et de morale. Ils devraient procurer des avertissements rigoureux quant aux lois et politiques proposées qui violent explicitement les principes catholiques. Mais les laïcs ont le devoir et le droit d’appliquer les principes catholiques selon des « jugements prudentiels ».

Il y a là une distinction fondamentale. La foi et la morale catholiques constituent la « sphère religieuse » de l’Eglise – qui est distincte de la « sphère politique » prudentielle des laïcs. Les deux sphères peuvent se recouper par endroits (par exemple, l’avortement est toujours mauvais, et ce n’est pas une violation des droits des laïcs quand le clergé insiste sur ce point, même en matière politique. Mais une claire distinction est requise pour « rendre à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu ».

Si j’étais contraint à le faire, je pourrais proposer un guide de l’électeur qui satisfera à la dignité du principe catholique. Je l’ai fait très simple :

1) soyez conscient que votre vote a des conséquences morales parce que vous soutenez les positions politiques d’un candidat
2) éclairez votre conscience avec un enseignement catholique authentique, tout spécialement sur les questions morales délicates, et

3) sélectionnez le candidat le plus à même de promouvoir la morale catholique, ou du moins de lui être le moins néfaste.

Le clergé a tout-à-fait raison de rappeler aux fidèles que fermer les yeux sur les activités du Planning Familial consistant en avortements et mutilations de bébés est un péché mortel – et menace leur salut. Ce mal intrinsèque n’est pas matière à jugement prudentiel.

Les membres du clergé peuvent aussi légitimement peser sur certains jugements prudentiels à condition qu’ils identifient clairement leur jugement comme ne contraignant pas les consciences. Malheureusement, les cartes ont été brouillées depuis des décennies par des hommes d’église qui ont omis d’identifier comme tels leurs jugements prudentiels (sur des questions comme l’immigration, la politique, les dépenses gouvernementales, le changement climatique etc). Ces points sont distincts des principes catholiques tels les Dix Commandements, qui eux engagent la conscience.

Le résultat, c’est que des tas de gens concluent à tort qu’ils sont des dissidents parce que, par exemple, ils n’approuvent pas la politique migratoire de la Conférence des Evêques des Etats-Unis. C’est une forme particulièrement dangereuse de cléricalisme que d’ignorer le droit des laïcs a établir des jugements prudentiels qui leur sont propres.

Ce type de cléricalisme a augmenté depuis des décennies. De nombreux prêtres et évêques apprécient trop de s’essayer à la politique. Ironiquement, ce cléricalisme, soit renforce les opinions préexistantes, soit tombe dans des oreilles sourdes – ou aigries. Selon mon expérience, il est extrêmement rare qu’un évêque ou un prêtre change le noyau des opinions politiques de quiconque.

Une des raisons pour lesquelles il semble que nous soyons sur le point d’élire le candidat le plus pro-avortement de l’histoire des Etats-Unis est le nombre élevé d’Américains, y compris de parents et de petits copains qui ont été complices des 60 millions d’avortements depuis l’arrêt Roe (NDT : autorisant l’avortement). Il y a maintenant une peur très répandue d’être « prompt à condamner » qui débouche sur une paralysie morale et politique.

Mais le cléricalisme comprend aussi des péchés par omission. L’excommunication, par exemple, est un acte religieux de charité et de clarté. L’Eglise (généralement un évêque) l’utilise pour le salut de l’âme de la personne excommuniée et pour éliminer le scandale.

Une excommunication officielle signifierait nommément aux politiciens catholiques qui promeuvent l’avortement qu’ils sont en danger de damnation éternelle. Ce qui enverrait au catholiques un message clair quant aux conséquences éternelles du vote, et qui entre tout-à-fait dans la sphère religieuse.

L’excommunication attire l’attention sur tout ce qui est impliqué. Dans la culture politique vénéneuse actuelle, elle induit différentes sortes de châtiments. Les guides catholiques de vote tels que nous les connaissons sont fades et ennuyeux parce qu’ils perpétuent la confusion entre le principe catholique et les jugements prudentiels. Le plus inquiétant, c’est que de tels guides semblent, au moins de façon subliminale, désignés pour fournir une couverture au manque d’actions disciplinaires légitimes de l’Eglise.

Si vous pensez ces observations peu judicieuses, considérez ceci : si les laïcs permettent au clergé de leur donner des avis sur la façon de voter, peut-être que le clergé devrait autoriser les laïcs à leur conseiller qui excommunier ? Pourquoi pas un « guide de l’excommunication » préparé par des laïcs pour le clergé ?

Et de fait, un tel soulèvement des fidèles laïcs pourrait être très utile en dissipant le brouillard moral. D’un autre côté, le venin résultant pourrait bien n’être d’aucun secours. Alors pourquoi ne pas coller aux caractéristiques propres à chacun et laisser les laïcs préparer eux-mêmes leurs guides de vote ?

L’Eglise Catholique existe pour proclamer le Christ. Les clercs devraient se considérer comme les gardiens et les enseignants de la Foi, avec des outils disciplinaires légitimes pour le salut des âmes. Le rôle des laïcs, selon leur état de vie et leur position dans la sphère politique, devrait être respecté et encouragé, pour le meilleur et pour le pire.

Le père Jerry J. Pokorsky est un prêtre du diocèse d’Arlington . Il est curé de la paroisse Sainte Catherine de Sienne à Great Falls (Virginie).

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/10/20/on-the-matter-of-catholic-voter-guides/