Loin de moi l’idée de concourir à une psychose collective à cause du terrorisme islamiste, même après Manchester et Londres. Mais il est dangereux de ne pas tirer au clair certains événements, lorsqu’ils présentent un degré certain de gravité et lorsqu’il y a lieu d’en tenir l’opinion informée, parce que l’enjeu est des plus sérieux. J’avais entendu parler d’un meurtre horrible commis le 4 avril dernier, en pleine campagne électorale, contre une retraitée de confession juive, Sarah Halimi, par un jeune homme, que l’on avait d’abord présenté comme déséquilibré. Arrêté par la police, n’avait-il pas été envoyé dans un établissement psychiatrique et non en prison ? Le juge n’avait pas voulu retenir la circonstance aggravante du crime antisémite. Mais le journal Le Monde avait fini par reconnaître que la presse avait été trop prudente dans la relation de ce fait, qui apparaît de plus en plus aujourd’hui comme l’assassinat délibéré d’une juive pratiquante.
Pourquoi cette prudence ? On était en pleine campagne présidentielle et beaucoup ont pensé que la révélation de cette tragédie conforterait Marine Le Pen, candidate d’une formation qui ne cesse de dénoncer l’insécurité due à l’extrémisme islamiste. Aujourd’hui, maître Gilles-William Goldnadel, qui représente la sœur de la victime, dénonce une véritable omerta et même une manipulation : « Je peux affirmer en pleine connaissance de cause, que l’assassin présente le profil classique des criminels islamistes habituels : petit caïd bien connu des services de police du XIe arrondissement pour ses multiples condamnations, lui et sa bande faisaient régner la terreur dans le quartier Bastille-Vaucouleurs. » Il y a quelques jours, une pétition d’intellectuels de premier plan dénonçait l’affaire en rappelant les conditions horribles dans lesquelles Sarah Halimi avait été affreusement battue et torturée, l’assassin qui criait Allahu Akbar finissant par la défenestrer, tout en laissant croire qu’elle se suicidait.
Rétrospectivement, il faut bien admettre que si le meurtre avait été annoncé à la une des journaux et répercuté par toutes les radios et les télévisions, l’émotion aurait été considérable, et le débat électoral aurait sans doute changé de nature. Je ne pense pas que le résultat de l’élection aurait été modifié, car je ne doute pas que les deux candidats auraient condamné de la façon la plus formelle la mise à mort de Sarah Halimi. Il n’en reste pas moins un gros malaise. Rien ne justifie que soit cachée la vérité. Même si elle coûte. Retiendra-t-on la leçon ?
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 6 juin 2017.
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