Un index des huit cents noms cités au long des quatre cent cinquante pages témoigne de l’intérêt de l’ouvrage que Jacques-Hubert Rollet consacre à son père. Henri Rollet a assumé de multiples engagements : Centre des jeunes patrons, Centre français du patronat chrétien, Union internationale des Associations patronales catholiques, Gestion des biens du Saint-Siège en France, Semaines sociales, Académie d’éducation et d’entraide sociale, Centre catholique des intellectuels français, Association des écrivains catholiques, Comité catholique des amitiés françaises dans le monde, Association des chevaliers pontificaux… sans compter les nombreuses organisations auxquelles il a apporté son concours jusqu’à être invité comme auditeur laïque au concile Vatican II. Il a présidé le Secrétariat social de Paris, la Fédération nationale d’action catholique, l’Action catholique générale des hommes [c’est à ce titre qu’il eut à confirmer à la rédaction de l’hebdomadaire France Catholique son indépendance par rapport au mouvement d’action catholique], la Fédération internationale des hommes catholiques, et enfin le Conseil d’administration de l’Institut catholique de Paris. Au fil des pages se succèdent rencontres, entretiens, confidences avec les plus importants acteurs d’une époque tourmentée et passionnante.
Certes la personnalité d’Henri Rollet, chrétien engagé, est attachante en elle-même, mais ses responsabilités en une époque majeure élargissent l’horizon du lecteur… et incitent à la réflexion l’éditeur qui y retrouve trace d’auteurs qu’il a publiés et dont les œuvres ont plus ou moins résisté à l’usure du temps. Henri Rollet a été ce qu’il est convenu d’appeler un grand serviteur de l’Église comme l’ont été, par exemple Stanislas Fumet, ou encore André Aumonier, dont nous avons édité respectivement au Sarment/Fayard, leur Histoire de Dieu dans ma vie et Corsaire de Dieu. Deux noms que nous avons retenus en ce que leurs trajectoires s’apparentent à la sienne.
Certes, en ce qui concerne Henri Rollet, il ne s’agit pas de « Mémoires » à proprement parler, mais nous en sommes bien proches, l’auteur, servi par sa proximité filiale, ne s’écartant pas d’un exposé factuel appuyé sur la solide documentation rassemblée pour une thèse de doctorat en histoire. En cela, l’ouvrage trouve sa place dans le genre littéraire des « Mémoires pour servir l’histoire de mon temps » que cultivent les grands commis de l’État qui y consacrent leur retraite. Les contemporains y projettent leur propre vie et les historiens y trouvent des éléments du puzzle…
Et l’Église ? Institution parmi les institutions, elle n’échappe pas aux règles qui régissent celles-ci qui ont besoin de grands serviteurs pour les faire vivre. Elles sont fragiles… L’Église comme toutes les organisations humaines ? Non ! Beaucoup plus car, et le pape François le dit avec force, elles sont menacées de ce cléricalisme qui se sert de l’autorité spirituelle pour des visées matérielles, prébendes, pouvoirs, distinctions. C’est que l’Église reste avant tout celle des martyrs et des saints, des assoiffés de justice, des calomniés, des cœurs purs, des pauvres… Dès lors, comme elle est risquée la situation de ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir ! Comme elle est répandue la tentation de faire carrière ! Comme elle est peccamineuse l’utilisation d’un statut clérical pour détourner le bien de la veuve, de l’orphelin, de l’étranger ! Attention que l’expédition au désert du bouc pédophile, par exemple, ne serve de contre-feu à cette hypocrisie rampante, contre laquelle le Christ n’a cessé de nous alerter et à laquelle Henri Rollet était si sensible.
Jacques-Hubert Rollet nous dit, sans insister, et c’est cela qui convient, combien son père était « ancré dans la prière ». Il le fallait bien pour assumer dans l’humilité d’aussi importantes responsabilités !
—
Jacques-Hubert Rollet, Un siècle d’histoire de l’Église avec Henri Rollet, Éditions du Jubilé, 450 pages, 25 €.