Un geste prophétique - France Catholique
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Un geste prophétique

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La venue du pape François, en compagnie du patriarche Bartholomée de Constantinople et de Mgr Hieronymos, archevêque d’Athènes, dans l’île de Lesbos, a forcément frappé l’opinion publique. Le geste de solidarité, qui a accompagné cette visite très symbolique soulignait encore plus le devoir de charité. Ces douze personnes, tirées de leur camp de réfugiés, et du piège qu’il constitue, illustraient les propos de François sur ces gens qui ont un visage, une histoire, et ne peuvent être réduits à des numéros de statistiques. On s’interroge sur les effets pratiques d’un tel exemple pour les gouvernements inquiets et les peuples européens très crispés.

Le Pape n’ignore pas les difficultés considérables d’accueil et d’intégration de millions de migrants qu’il ne s’agit pas seulement de secourir dans l’immédiat, mais aussi de garder chez soi dans la durée, avec les conséquences qui s’en suivent en termes politiques, en termes d’emploi, en termes d’implantation au sein de populations déjà éprouvées par une crise durable. En quelques mots, François a signifié qu’il n’était nullement indifférent aux suites de l’accueil des migrants : « Pour moi, a-t-il dit à la presse, la politique d’intégration est fondamentale. Et aujourd’hui l’Europe doit retrouver cette capacité qu’elle a toujours eue d’intégrer. » Et encore : « J’ai toujours dit que faire des murs n’était pas une solution. Nous avons vu la chute du mur au siècle dernier. Cela ne résout rien, nous devons faire des ponts, mais les ponts se construisent intelligemment. »

Vaste programme, extraordinaire ambition. Sortant de la lecture d’une biographie fleuve du grand penseur juif Martin Buber1, j’ai trouvé chez ce dernier la même volonté de construire des ponts, notamment au moment crucial de la fondation de l’État d’Israël. Pendant des décennies, Buber s’est battu pour que la réimplantation du peuple juif en Terre sainte n’aboutisse pas à un conflit inexpiable avec le peuple palestinien. Il avait la sagesse pour lui et même le regard du prophète. Il n’a pas été entendu. Non, il n’est pas facile de construire intelligemment des ponts. Mais si le Pape n’était pas là comme vigile de la fraternité, qui rappellerait l’impératif de l’accueil du pauvre en détresse ?

Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 18 avril 2016.

  1. Dominique Bourel, Martin Buber, sentinelle de l’humanité, Albin Michel.