Je m’abstiendrai pour le moment de tout commentaire électoral, ne pouvant savoir à l’heure où je compose mon éditorial l’identité du futur titulaire de la Maison Blanche. Mais l’Amérique demeure pour nous Français un perpétuel sujet de réflexion, ses mœurs, sa civilisation, ses institutions ne cessant de provoquer notre étonnement. Philippe Labro, qui connaît bien son sujet, dans un admirable article du Figaro, nous expliquait que, contrairement à nous qui recherchons une personnalité douée d’une sorte de grâce royale, les Américains recherchent d’abord ce qu’on pourrait appeler un gagnant. C’est d’ailleurs Bill Clinton qui a eu cette formule : « Les États-Unis engagent un président afin qu’il gagne – et qu’il gagne pour eux. » Cela ne veut pas dire que nous aurions nous-mêmes quelque indulgence pour un « looser ». De Gaulle parlait d’un fluide d’autorité, dont on ne peut discerner en quoi exactement il consiste. C’est autre chose encore qu’un gagnant. C’est une sorte de manager, sûr de lui-même, un négociateur habile, un stratège qui affronte directement l’obstacle quand il se présente, souvent imprévu et menaçant.
Philippe Labro explique encore que ce président peut être un grand homme, mais pas à la manière de Napoléon et de de Gaulle. Son charisme à la Kennedy doit être à la fois simple et lumineux, inspirant une confiance naturelle. Mais le nom de Kennedy me rappelle qu’il fut le seul président américain de confession catholique. Est-ce à dire que les catholiques seraient marginalisés politiquement dans un pays qui demeurerait fondamentalement de culture protestante ? Non bien sûr. Tout d’abord parce que l’Amérique change, les catholiques y sont devenus de plus en plus nombreux. Et puis il y a désormais le poids des Latinos. Mais il ne faut pas oublier ce qu’en disait notre cher Tocqueville, qui demeure, aujourd’hui encore, notre meilleur guide en civilisation américaine. Dans La démocratie en Amérique, il expliquait qu’à son avis les catholiques venus d’Irlande étaient tout à la fois fidèles et fervents dans la pratique de leur religion, mais aussi les meilleurs citoyens possibles des États-Unis, ayant une idée de l’égalité fondamentale des hommes que leur avait inculquée leur situation devant Dieu. Que dire de plus, sinon : Dieu bénisse l’Amérique !