«Il faut que je sois peintre chrétien, que je célèbre tous ces miracles du christianisme, je sens qu’il le faut. » Ce rêve d’adolescent que Maurice Denis confie à 15 ans dans son Journal, en 1885, il ne le trahira jamais. Peintre, il le deviendra, et l’un des plus renommés de son temps. Chrétien, dans sa vie et son art, il ne cessera de l’être.
Mais d’où lui vient ce profond désir ? « Lors des cérémonies religieuses, il était très marqué par la beauté, l’or, le faste, les chants des processions et des célébrations. C’est là, notamment, qu’il reçoit sa mission de peintre, comme une vocation… » explique Pierre-Marie Vautier, chargé de médiation culturelle au musée départemental Maurice Denis à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines). « J’adore les cérémonies d’église : c’est là que se fondent mon âme d’artiste et mon cœur de chrétien », confirme encore le peintre en herbe dans son Journal, la même année.
Sa vocation est établie, dès 13 ans, lorsqu’il découvre le bienheureux dominicain Fra Angelico. « Sa vocation à devenir artiste se double dès l’origine d’une aspiration à faire de la peinture religieuse », précise Fabienne Stahl, chargée de la valorisation des collections du musée Maurice Denis, dans Beautés du Ciel (2014).
Un chrétien assumé
Né le 25 novembre 1870, à Granville, Maurice entre à 18 ans à l’académie de peinture Julian. Il y rencontre Paul Sérusier, Pierre Bonnard ou encore Paul Ranson. C’est avec eux, et d’autres, qu’il forme le groupe des Nabis en 1888 (cf. encadré). La plupart d’entre eux sont intéressés par les spiritualités orientales et l’ésotérisme. Maurice Denis est l’un des seuls chrétiens du groupe. Il est surnommé « le Nabi aux belles icônes ». Il est rejoint dans sa foi par Jan Verkade, qui se convertit en Bretagne en 1892, et deviendra moine bénédictin. Avec les Nabis, Maurice Denis évolue vers le symbolisme – la recherche de symboles, de sens –, au détriment du réalisme : son tableau Le Christ vert, peint en 1890, est emblématique de cette quête.
Assez vite, il s’éloigne du style avant-gardiste et redevient plus classique. Sa découverte éblouie de Rome accélère le basculement. Il écrit, évoquant les peintres découverts dans la Ville éternelle, si différents et pourtant tous représentatifs du même classicisme gréco-romain : « On découvre une sorte de parenté entre des talents si divers : le même art conscient et réfléchi. […] La tradition classique tout entière, pour la logique de l’effort et la grandeur des résultats, est en quelque façon parallèle à la Tradition religieuse de l’humanité » (Les arts à Rome ou la méthode classique, 1899).
Retrouvez l’intégralité de notre Grand Angle dans le magazine.