L’assassinat le 2 décembre d’un touriste allemand par un djihadiste allonge encore la liste des victimes du terrorisme islamiste en France. On pourra bien affirmer que l’assaillant était soigné pour des troubles psychiatriques. Mais il faut aussitôt ajouter qu’il poursuivait avec constance son projet meurtrier. Déjà condamné pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme, il avait auparavant noué des contacts avec le futur assassin de Samuel Paty…
Cet attentat survient juste après le meurtre du jeune Thomas, à Crépol. On ne peut, là encore, éluder le fait que cet assassinat soit lié à l’islamisme djihadiste. Marie-Hélène Thoraval, maire de Romans-sur-Isère, objet d’une menace de mort par décapitation, sait de quoi elle parle lorsqu’elle analyse le drame qui s’est déroulé à côté de chez elle : « Ce n’est pas un fait divers » dit-elle du meurtre du jeune Thomas. « Il y a quelque chose qui se passe dans la société par rapport à cet événement. » Si bien qu’il y aura « un avant et un après Thomas ».
Déshérence sociale et djihadisme
Est-ce à dire que la violence et la situation de non-droit qui caractérisent ce qu’on appelle « les quartiers perdus de la République » (environ 700 en France) seraient associées à ce choc des civilisations où le facteur religieux serait prédominant ? Malraux avait établi que « la notion d’une civilisation, c’est ce qui s’agrège autour d’une religion ». Mais on pourrait objecter que le comportement de jeunes délinquants trouverait plutôt sa cause dans une situation de déshérence sociale liée à la pauvreté, au désœuvrement, à l’éclatement familial. À ce propos, une querelle oppose deux islamologues réputés : Olivier Roy et Gilles Kepel. Le premier est d’avis que l’extrémisme religieux dont les jeunes des quartiers ont fait leur étendard, ne serait que le masque de leur révolte d’exclus de la communauté nationale. Le second, au contraire, discerne dans le djihadisme la cause motrice des dérapages de ces jeunes. Peut-être y a-t-il lieu d’associer les deux explications pour rendre compte du phénomène.
Pas une rixe banale
Un phénomène qui vient de trouver dans le drame de Crépol son illustration. Non, il ne s’agit pas d’une rixe banale, mais d’un face-à-face – eut dit le regretté Gérard Collomb – entre deux jeunesses. Et force est de reconnaître que la jeunesse surgie du quartier de la Monnaie de Romans-sur-Isère est issue de l’immigration venue du monde arabo-musulman. Sans doute, notre souhait le plus profond est de parvenir à la pacification des cœurs. Peut-on l’envisager grâce à une politique plus intensive d’intégration ? On ne pourra échapper à un réexamen fondamental de cette question. Car les bons sentiments ne feront rien contre une réalité d’ordre civilisationnel dont les racines sont profondes et l’actualité géopolitique incontournable.
Ajoutons qu’on doit saluer dans le drame de Crépol la façon avec laquelle le curé du lieu, le Père Dominique Fornerot, a réagi. Il a su être la voix du réconfort et de l’espérance au sein d’une population retrouvant le chemin de l’Église. C’est un autre aspect du défi spirituel qui s’impose à nous.