Arnaud Teyssier, qui est à la fois historien et politologue – deux métiers qui marchent solidairement l’un avec l’autre – soulignait hier, dans une chronique du Figaro, un étrange paradoxe. En effet, pour beaucoup de ses collègues, tels Pierre Rosanvallon, la France souffrirait de la force excessive de son pouvoir exécutif. Affirmation surprenante, lorsqu’on pense à l’étrange faiblesse de ce pouvoir exécutif dans les conditions présentes. François Hollande n’est pas seulement chahuté au Salon de l’agriculture, il paraît démuni face à une crise agricole qui le dépasse. Par ailleurs, sa majorité est en danger d’éclatement. La cohérence intellectuelle de la gauche est atteinte. On s’en aperçoit aussi bien avec la réforme problématique de la déchéance de nationalité qu’avec la refonte du Code du travail.
Mais alors, qu’en serait-il de l’exercice du pouvoir dans ce pays, s’il n’y avait la force des institutions de la Ve République ? Dans les conditions actuelles, un régime parlementaire ne résisterait pas à la dislocation de la gauche. On peut certes préférer, à l’instar de Rosanvallon, une « démocratie d’exercice » au système actuel. Encore faudrait-il la définir. S’il s’agit de s’appuyer sur la représentation parlementaire, il conviendrait de faire fond sur des partis de belle vitalité. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, aussi bien à gauche qu’à droite, et l’essor du Front national ne fait qu’accuser le déclin des formations classiques.
On peut encore rêver avec Jean-Luc Mélenchon d’une sorte de sursaut civique, révolutionnaire si l’on veut, où le peuple redéfinirait complètement les contours d’une autre République. Mais c’est du domaine du pur projet, si ce n’est de l’utopie. La vérité, c’est que nous traversons une sorte de crise dépressive, et nous ne sommes pas les seuls. La campagne électorale aux États-Unis révèle aussi les faiblesses graves d’un système pourtant solidement rodé. Alors, porter atteinte à notre ordre constitutionnel, en période de crise, n’est peut-être pas ce qu’il y a de plus urgent. On devra y réfléchir sérieusement en 2017 avec une échéance présidentielle décisive. L’urgence, ce sera de considérer, comme disait de Gaulle, la permanence d’« un État juste et fort ».