Un discours plein d'assurance - France Catholique
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Un discours plein d’assurance

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En ce temps suivant Pâques, je me surprends à songer aux premiers jours de l’Église naissante. Et je relis les Actes des Apôtres.

Le deuxième Temple avait plusieurs portes, l’une d’entre elles était nommée « la Belle » — comme on lit au chapitre 3 des Actes, où Luc relate l’histoire de Pierre, Jean, et la guérison d’un mendiant impotent. Ce nom « la Belle » ne se trouve dans aucun autre document historique pour désigner l’une des huit portes du Temple.

Le débat persiste entre archéologues, historiens et même sociologues pour savoir laquelle des portes était appelée « la Belle », sachant où un mendiant pouvait être autorisé à tendre sa sébile, et aurait les meilleures chances d’être repéré par des donateurs aisés potentiels généreux et assez nombreux pour assurer la recette nécessaire à sa famille. Selon un expert — aussi crédible que bien d’autres — ce serait la porte dite « Porte Double » ouverte dans le mur Sud en haut d’un escalier monumental, passage vraisemblable de la plupart des dévots se rendant au Temple pour l’adoration.

Pierre et Jean se rendent au Temple à trois heures de l’après-midi quand notre mendiant les interpelle pour une aumône. « Alors Pierre fixa les yeux sur lui, ainsi que Jean, et dit: regarde-nous.» (Ac, 3:4)

Quel effet pouvait faire cette demande à l’impotent? On imagine que très peu de donateurs (un bien petit pourcentage des foules passant devant lui chaque jour) disaient seulement un petit mot au mendiant. Il peut bien s’être dit: « personne ne m’accorde plus qu’un coup d’œil, même en me donnant une piécette, et en voici deux qui me demandent de les regarder?» Et le mendiant « tenait son regard attaché sur eux, s’attendant à en recevoir quelque chose,» (Ac, 3:5), craignant peut-être un sermon sur l’auto-suffisance. Les paroles de Pierre furent certes décourageantes :

« De l’argent et de l’or, je n’en ai pas, mais ce que j’ai, je te le donne.» (Ac, 3:6)
Notre mendiant, en un bref instant, a eu sans doute l’impression qu’il allait entendre un grand sermon. Au lieu de quoi : « au nom de Jésus Christ le Nazôréen, marche!» (Ac, 3:6) dit Pierre — d’une voix forte ou douce, je ne sais.

Il semble évident que la parole de Pierre mit instantément notre homme sur ses pieds. Le mendiant n’a pas posé de questions, ni cherché à savoir quel truc ce Galiléen avait dans sa manche. Il s’est simplement levé. Certes, Pierre a pu lui tendre une main solide pour l’aider, mais aussitôt les pieds et chevilles du mendiant le soutinrent fermement « et le voilà qui marchait, il entra avec eux dans le Temple, marchant, gambadant…» (Ac, 3:8) — faisant des pas de danse comme il avait pu en voir à l’occasion de mariages.

Mais les regards fixés sur lui de tous ceux qui, des années durant, l’avaient vu mendiant dehors sur les marches de l’escalier, et l’effort de la marche et de la danse l’ont certainement étourdi, car Luc nous dit : « il ne lâchait pas Pierre et Jean.» Arrivés au portique de Salomon, Pierre commença à prêcher.
Un médecin moderne, de formation médicale plus complète que celle de Luc, expliquerait l’état du mendiant par un traumatisme survenu en bas âge (névrose hystérique, …) et la « guérison par la foi » donnée par Pierre comme évacuant un blocage psychique par une forme d’hypnose — les premiers pas de la psychologie moderne. Et un cynique pourrait s’inquiéter de l’avenir d’un quadragénaire dont la source de revenus venait de disparaître, son handicap était, après tout, son gagne-pain.

La Bible laisse rêver sur ce qu’il advient de ces personnages apparaissant puis disparaissant au fil des histoires. Ce mendiant impotent, par exemple. Mais quel exemple! (Et pour ma part, j’imagine qu’il est devenu un croyant dévot, actif, aimé et soutenu au sein de cette première communauté chrétienne.)
Pierre s’avance maintenant — je l’imagine, la main posée sur l’épaule de l’homme désormais guéri — et notre premier pape n’est plus celui que les évangiles nous décrivent comme un homme sous l’emprise de la peur.
Il est désormais un second Daniel face aux lions, et fait claquer son fouet. Son homélie face à la foule est directe et audacieuse, comme jamais. Il déclare crûment à son auditoire «vous faisiez mourir le prince de la vie.» (Ac, 3:15) et il ajoute en déclarant du Christ que «Dieu l’a ressuscité des morts.» Il répète ces mêmes « blasphèmes » qui menèrent à la Crucifixion.

Pierre et Jean furent arrêtés, mais pas avant que cinq mille personnes aient cru en Jésus. Et le lendemain Pierre prononce ces paroles hors du temps en témoignage devant les Sadducéens: «C’est lui la pierre que vous, les bâtisseurs, avez dédaignée, et elle est devenue la pierre d’angle.» (Ac, 4:11). Il en connaissait un rayon en matière de pierres angulaires.

Et cette fois, les Anciens du Temple restent cois. L’Esprit s’exprime par Pierre, ce qui les étonne, car ils savent bien que ce pêcheur n’est pas un savant. Alors, ils lui interdisent, ainsi qu’à Jean et au mendiant, de parler de cette guérison.
Naturellement, ces ,nouveaux chrétiens refusent. En fait, ils décident (Ac, 4:29-31) de «parler avec assurance.» et en récompense reçoivent l’Esprit Saint, lors d’un tremblement de terre.

NDT: texte français des citations bibliques tiré de la Bible de Jérusalem.

Tableau : La guérison de l’impotent. Raphaël, vers 1516.

Source : To Speak with All Boldness http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/to-speak-with-all-boldness.html