Un Dieu version soft pour notre temps - France Catholique
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La justice de Dieu
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Un Dieu version soft pour notre temps

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Il est difficile, voire impossible, de savoir combien d’Américains croient en Dieu. Pourquoi ? Parce que le mot « Dieu » a des sens différents suivant les personnes. A peut avoir une certaine idée de Dieu et B une tout autre, bien que tous deux nous affirment croire en Dieu. C’est comme la « démocratie ». Communistes et anti-communistes se sont les uns comme les autres proclamés démocrates, mais ils avaient des conceptions radicalement différentes de la démocratie.

Il y a deux siècles, presque tous les habitants du monde occidental (qu’on appelait la chrétienté) avaient à peu près la même idée de Dieu. Pour les catholiques comme pour les protestants, Dieu était un être suprême qui avait créé l’univers ; omnipotent, omniscient et rempli de bienveillance ; le fondement de la loi morale ; une Trinité comprenant le Père, le Fils et le Saint Esprit ; le juge des êtres humains qui enverrait les pécheurs non repentis en enfer ; qui s’était incarné en Jésus Christ, Dieu fait homme, lequel était mort pour nos péchés et était ressuscité des morts.

Telle est la conception de Dieu que conservent encore de nombreux fidèles. Mais certainement pas tous. Plus maintenant. Au cours des deux derniers siècles, nombre de ceux qui se considèrent chrétiens sont devenus plus « progressistes » ou « modernes » dans leurs convictions religieuses. Pendant longtemps, le progressisme religieux a fleuri presque exclusivement dans le monde protestant, mais après Vatican II, il a montré sa face (une face bien laide, diraient les catholiques orthodoxes) dans le monde catholique aussi. Les chrétiens progressistes ont créé une nouvelle version de Dieu.

Comment décrire cette nouvelle version de Dieu, cette conception progressiste ou moderniste, cette conception néo-chrétienne ? Pas facile à faire, étant donné que le christianisme progressiste n’a pas d’autorité centrale qui puisse nous expliquer précisément ce que représente l’orthodoxie néo-chrétienne. En plus, l’orthodoxie néo-chrétienne d’aujourd’hui aura probablement évolué demain. Telle est la nature même du progressisme religieux ; il ne peut s’arrêter de changer, devenant de plus en plus progressiste et de plus en plus moderne. Mais je vais essayer de vous le décrire.

L’ancien Dieu (le Dieu paléochrétien, en quelque sorte) considérait le péché comme quelque chose de monstrueux, pire que la maladie, la pauvreté, l’ignorance, la laideur ou d’autres fléaux. Le péché était si monstrueux du point de vue de Dieu qu’Il était prêt à envoyer en enfer les pécheurs qui ne se repentaient pas. Et si abominable que Dieu a bien voulu envoyer Son Fils souffrir et mourir pour la rémission de nos péchés.

Par contre, le Dieu nouvelle version n’est pas pointilleux sur le chapitre du péché. Bien sûr, Il préférerait que nous n’en commettions pas, mais le péché n’est pas une chose de nature à l’inciter à punir les pécheurs en les envoyant en enfer pour l’éternité. Le nouveau Dieu est trop gentil pour ça. Beaucoup trop gentil. Et Il ne ferait pas non plus une chose aussi étrange du point de vue métaphysique que de demander à la deuxième personne de la Trinité de s’incarner de façon à pouvoir souffrir et mourir pour nos (insignifiants) péchés. Sans compter que le nouveau Dieu n’est pas Trinitaire ; pour l’esprit moderne la Trinité n’a aucune signification.

Comment alors devons-nous considérer Jésus ? Qui était-Il, s’Il n’était pas le fils de Dieu, s’Il n’est pas mort pour nos péchés ? Pour les néochrétiens, Jésus était un type fantastique, un grand prêcheur et un modèle de moralité ; une anticipation et un précurseur de Martin Luther Kong junior. Qu’enseignait Jésus ? La tolérance, c’est ce à quoi Il pensait quand Il a dit que nous devions aimer notre prochain comme nous-mêmes.

Quelle plus grande preuve d’amour une personne peut-elle donner que de tolérer le mode de vie de son prochain ? Et Jésus nous a appris que nous devrions faire au moins quelques efforts pour améliorer la condition matérielle des classes défavorisées. Comment ? En payant nos impôts sans rechigner et en votant pour des politiciens libéraux.

Mais qu’en est-il des grands pécheurs comme Hitler et Staline ? Ont-ils eux aussi évité l’enfer ? C’est une question difficile. Le Dieu nouvelle version est en général prêt à pardonner les péchés ; en effet, quelle importance peuvent avoir quelques mensonges, vols et adultères entre amis. Est-il possible que des personnages comme Hitler et Staline et quelques autres soient allés trop loin, même pour le nouveau Dieu miséricordieux et prompt au pardon ? Qui sait ? Si l’enfer existe (ce qui n’est pas sûr du tout), une dizaine ou une vingtaine de damnés peut-être s’y trouvent, tous coupables du grave péché d’intolérance. Car les tueries en masse sont tout simplement une forme d’intolérance.

Si le nouveau Dieu a une attitude « soft » envers le péché, c’est encore plus évident en ce qui concerne le péché de la chair. L’ancien Dieu, malheureusement, avait de sérieux blocages dans le domaine de la sexualité. C’était un puritain. Il était choqué d’une façon déraisonnable par des conduites comme la fornication, le concubinage, l’adultère et l’homosexualité. Il était tellement puritain qu’il s’opposait même à ce qu’un homme regarde une femme avec concupiscence.

Le Dieu nouvelle version comprend que ces « péchés » de la chair ne sont pas toujours recommandables ; mais ils sont en général inoffensifs, et la plupart du temps même très positifs. Le nouveau Dieu se rappelle que nous sommes des êtres humains, faits de chair et de sang. Nous ne sommes pas des anges désincarnés. L’ancien Dieu disait : « Il faut détester le péché et aimer le pécheur ». [En fait, c’est dans Saint Augustin] Le nouveau Dieu dit : « Il faut aimer le pécheur et ne pas faire tout un plat du péché ».

Mais l’avortement ? Evidemment, l’ancien Dieu, le Dieu puritain, détestait ce péché. Mais le Dieu nouvelle version, comprenant que nous ne pouvons pas dans la pratique jouir d’une véritable liberté sexuelle sans l’avortement, le tolère tout en le déplorant un peu. Il pense que l’avortement devrait être sans risques, légal et rare – en insistant sur ce dernier adjectif. Et il veut surtout que nous sachions qu’il n’est pas pour l’avortement, il est pour la liberté de choix.

Matthew Arnold, le grand poète et critique victorien et protestant très progressiste, a concocté une célèbre définition minimaliste de Dieu : « Dieu, c’est la chose éternelle, située en dehors de nous, qui nous mène et qui exige de nous la sainteté ». [sic] Une définition plus actuelle pourrait être : « Dieu c’est la chose en perpétuelle évolution, située en dehors de nous, qui exige de nous une tolérance pratiquement illimitée ». En Grec, le mot θεóς signifie un peu n’importe quoi.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2016/05/20/a-new-and-improved-god/

Le vendredi 20 mai 2016


David Carlin est professeur de sociologie et de philosophie au Community College de Rhode Island et auteur de l’ouvrage Decline&Fall of the Catholic Church in America.