Un Dialogue récemment retrouvé - France Catholique
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Pâques. La foi des convertis
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Un Dialogue récemment retrouvé

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Sur la berge de l’Ilissos, sous un platane, par un beau jour de printemps.

P. — Socrate, que fais-tu ici ? Tu dis toujours n’avoir aucune leçon à tirer de la nature. Tu nous as dit que nous devons rester parmi nos semblables dans la cité, échangeant nos idées avec eux, si nous voulons un jour approcher de la sagesse.

S. — C’est vrai, mon cher Phaedros. Mais j’ai ressenti dernièrement un immense besoin de solitude. Et d’être hors les murs de notre cité, qui m’inquiète de plus en plus. Quand je me tiens près d’une colonne, perdu dans mes pensées, ce qui m’arrive souvent, tu le sais bien, les gens me rient au nez — comme si la méditation n’était que du vide, et l’agitation la seule activité rentable.

P. — C’est amusant, moi-même je suis venu ici — où nous avons eu notre dernière conversation, tu dois t’en souvenir — parce que je voulais échapper au tohu-bohu environnant et tenter de mettre quelques idées d’aplomb.

S. — Je n’oublierai jamais cette conversation, Phaedros, car nous avons découvert plusieurs vérités importantes sur la nature de l’amour, et son influence sur les paroles, les gens, les cités — un sujet dont je ne me lasse jamais.

P. — Exactement, Socrate. Il y a en ce moment en ville une dispute sur l’amour, les dieux et la cité.

S. — Voilà qui me plait, car ce sont trois sujets importants que les humains doivent chercher à comprendre.

P. — Ils ne cherchent pas à comprendre grand’chose en ce moment,

Socrate. Tout a commencé lorsque une femme de Lesbos, semblant vouer un culte à un dieu — Bouddha, je crois — dont l’enseignement vient de contrées lointaines, vers le soleil levant, est entrée dans le sanctuaire d’un autre dieu — originaire aussi, je crois, d’Orient, mais dont les fidèles sont maintenant en Occident, on les appelle Byzantins ou Romains — demandant la permission de participer à leurs plus sacrés mystères célébrés à la mémoire de sa mère qui venait de mourir, et…

S. — Doucement, Phaedros. Tu mélanges tout à cause de tes sentiments, que les jeunes devraient maîtriser s’ils veulent atteindre la vérité par la raison. Te rends-tu compte que tu viens juste de dire qu’une femme originaire de Lesbos, adepte de « Bouddha », demandait à être admise aux très sacrés mystères d’un autre dieu?

P. — Exactement. Et elle a dénoncé un prêtre — qui lui avait refusé l’entrée — à ses supérieurs les grands prêtres, demandant qu’il soit banni. Les grands prêtres sont pris actuellement dans une dispute avec les autorités de la cité sur leurs droits à célébrer leur dieu selon leurs rites. Et — d’après la rumeur — certains d’entre eux n’aiment pas la confrontation. De toutes façons, ils ont muté le prêtre.

S. — Mon jeune ami, as-tu perdu la tête? Tu me dis que les grands prêtres du culte d’un dieu réprimandent l’un des leurs parce qu’il n’a pas admis à leurs rites sacrés une femme d’une autre religion? Les grands prêtres sont gens prudents et sages. Je suis persuadé que tu mélanges tout. Ce n’est ni logique ni sensé. Et ce pourrait n’être que source de chaos et de nouveaux conflits.

P. — Je ne sais pas vraiment. Mais je sais qu’elle demande absolument que ce prêtre soit démis. C’est ce qui nourrit les conversations sur l’agora. De plus, les commentateurs professionnels disent que certains se disant fidèles du dieu occidental approuvent cette femme: « quiconque s’en juge digne doit pouvoir être admis à leurs mystères sacrés ».

S. — Eh bien ! Grande nouveauté, mon jeune ami. Pourquoi donc célébrer des mystères sacrés si n’importe qui peut s’y inviter ? C’est un peu comme si on transformait le temple en l’une de ces baraques de marchands de frites qu’on voit sous les arcades de l’agora.

P. — Je sais, Socrate. Et le plus étrange est que les grands prêtres du dieu occidental lui ont écrit une lettre d’excuses. Ils ne disent pas exactement que sa demande était justifiée. Mais ils laissent l’impression de reconnaître qu’on lui a fait du tort, que ce n’était qu’un malentendu. Et en même temps, ce qui est encore plus bizarre, ils tentent de résister aux gouverneurs de la cité qui veulent régenter les écoles et autres établissements du culte occidental, soutenant qu’ils ont le droit d’avoir leurs propres convictions et pratiques.

S. — Si tu dis vrai, mon jeune ami, ce n’est guère bon pour la cité. Si des citoyens ont le droit de demander n’importe quoi, même de la part de prêtres, ils feront de même avec leurs concitoyens, puis avec leurs gouverneurs. Ceux-ci ne leur refuseront rien, car ils veulent le soutien du peuple, et alors, notre bien-aimée Constitution Athénienne sera bientôt comme un parchemin égyptien enfoui dans le sable du désert.

P. — Quelques personnes isolées sont de cet avis, Socrate. Mais le conflit prend de l’ampleur, on n’en voit pas la fin.

S. — Çà ne m’étonne pas. C’est le prélude à de grands maux. Introduire des questions religieuses dans les affaires des hommes mène souvent au désastre. Tu as lu Homère. Troie a été détruite à cause de la « Pomme de Discorde » forçant Pâris à choisir entre deux déesses. Et Ulysse, le pauvre homme, a été condamné à dix années d’errance pour avoir été impliqué dans cette affaire. Et quand des fidèles offensent leur propre dieu, ce n’est pas mieux. On m’a raconté que des tribus barbares croient que leur dieu les a faits errer quarante ans dans le désert en punition de leurs offenses — toute une génération ainsi effacée.

P. — Plaise au ciel qu’un tel destin ne s’abatte pas sur notre cité.

S. — Qu’il en soit ainsi, ô pieux Phaedros. Et que l’amour céleste qui gouverne tout amour en divine harmonie descende et s’installe à nouveau parmi nous.

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Pour comprendre de quoi il est question lire ici :

Un prêtre sanctionné pour avoir tenté de refuser la communion avec une bouddhiste gay…

http://www.france-catholique.fr/Un-pretre-sanctionne-pour-avoir.html


Gravure : Socrate et Phaedros

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2012/a-rediscovered-dialogue.html