Pourquoi ne pas le dire ? L’appel lancé par le pape François dans l’île de Lesbos et son geste de ramener avec lui douze personnes à Rome, de familles musulmanes qui plus est, ne sont pas toujours bien compris, même en milieu catholique. Il ne serait pas responsable de ne pas tenir compte du vrai désarroi d’une partie de l’opinion publique, souvent déstabilisée par la situation de l’Europe, par l’assaut des migrations, par la question de l’islam… Je relève ce passage d’une réponse à mon édito de lundi matin. Réponse au demeurant courtoise mais qui m’apporte un ferme démenti à mon approbation du Pape : « En se rendant en Grèce, le Pape s’est rallié à la doctrine mondialiste qui veut faire des peuples des nomades et des personnes coupées de leurs traditions (avec la bénédiction des patronats), il apporte implicitement un soutien à ceux qui défendent l’ouverture totale des frontières et l’installation, non de réfugiés mais de populations entières sur le sol européen. Il s’agit bien d’une pensée politique. Il ne peut ignorer ce que cela implique pour les décennies qui viennent. Le continent européen complètement déboussolé, en proie à une crise identitaire sans précédent, si on suit ses préceptes, va exploser dans des troubles et des conflits terribles. »
La pensée qui s’exprime ainsi, sous le mode le plus alarmiste, n’est nullement méprisable, et on aurait tort de la repousser d’un geste. D’ailleurs, si on ne répond pas sérieusement aux arguments avancés, on s’expose à de sérieuses déconvenues. Il faudrait reprendre l’ensemble des problèmes, en rappelant d’abord que le Pape a eu l’occasion, en d’autres circonstances, d’exposer une analyse qui n’ignore rien des origines du drame actuel. Origines qui tiennent d’abord à l’impuissance de l’Europe et des États-Unis à juguler l’extrémisme qui a déstabilisé le Proche-Orient, à sécuriser la Méditerranée, à réprimer les nouveaux esclavagismes (on lira à ce propos la mise au point de Jean-François Colosimo dans FigaroVox). Ensuite, François n’encourage pas le nomadisme et l’exploitation qui en résulte. Il plaide pour l’intégration d’une population chassée de son pays. Les douze personnes qu’il a ramenées à Rome ont été immédiatement prises en charge par la communauté Sant’Egidio. Déjà, elles se sont mises à l’école de l’italien pour pouvoir être intégrées au plus vite dans la péninsule. Ce n’est qu’un micro exemple ? Oui, mais il est significatif d’une attitude réfléchie et conséquente. Il faudra, néanmoins, poursuivre cette discussion.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 20 avril 2016.
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