Le pasteur Jones a vraiment réussi son coup! Pour reprendre le titre de nos confrères de Libération: « Un Coran embrase l’Afghanistan! » Des manifestations anti-américaines se succèdent dans ce pays, qui n’avait vraiment pas besoin de cela, afin de protester contre l’autodafé du Livre Saint de l’Islam accompli par ce révérend, qui a fini par réaliser la menace qu’il brandissait depuis des mois. Il avait d’abord renoncé à ce geste spectaculaire, dont on pouvait pressentir qu’il déclencherait des catastrophes à travers le monde. Il est revenu sur sa décision, le 20 mars dernier, en brûlant un exemplaire du Coran devant une trentaine de personnes dans son fief de Floride. Les images de son forfait diffusées sur internet ont évidemment déclenché la colère de beaucoup de musulmans. Premier résultat: une vingtaine de morts et une centaine de blessés à la suite de manifestations à Kandhar et dans d’autres villes afghanes.
On ne peut comprendre, encore moins justifier un tel geste insensé qui offense les convictions des uns sans pouvoir faire admettre les convictions des autres. Le site de la fraternité Saint Pie X (celui des partisans de Mgr Lefebvre) ne cesse de rediffuser une photo de Jean-Paul II embrassant le Coran pour s’en indigner et pour s’opposer à la béatification du pape polonais. Mais on comprenait l’intention du futur bienheureux: il s’agissait de promouvoir la paix des esprits et des cœurs, par un geste de respect. Il est d’ailleurs aberrant d’interpréter un tel geste comme un signe de reconnaissance religieuse, encourageant on ne sait quel syncrétisme.
Jean-Paul II voulait entraîner par ce geste symbolique, comme par les rencontres interreligieuses d’Assise, une logique de compréhension, de sympathie, pour contrer directement un climat de haine, à la source de manifestations d’intolérance et même d’entreprise terroriste. Il est gravissime d’encourager ce qu’on a pu appeler « le choc des civilisations ». Même si l’on reconnaît une certaine réalité à cette expression de Samuel Huntington, le problème est de parer les conséquences néfastes d’un possible affrontement, nullement d’en attiser les causes.
Chronique lue le 5 avril sur radio Notre-Dame