Il n’est pas possible de rester indifférent à l’appel lancé par l’économiste Thomas Piketty dans Le Monde daté de mercredi dernier, à propos de la ségrégation scolaire existant dans les collèges de la ville de Paris. C’est vrai qu’il y a quelque chose d’anormal dans le fait que dans les établissements les plus huppés, 1 % seulement des collégiens des milieux les plus défavorisés soient accueillis, alors qu’ils représentent 16 % de l’effectif de la capitale. Thomas Piketty ne manque pas d’épingler spécialement l’enseignement catholique qui s’inscrirait dans cette logique ségrégative, en profitant à plein de la demande des parents soucieux de bénéficier pour leurs enfants d’un cadre privilégié.
Thomas Piketty a sans doute raison pour Paris, encore qu’il n’analyse pas les causes historiques de l’implantation géographique des collèges catholiques, qui expliquent largement le phénomène. Il ne s’interroge pas non plus sur la situation différente des lycées catholiques plus ouverts à la diversité sociale. On va au collège catholique parce qu’il est proche de son domicile. Lorsqu’il est éloigné, il est difficile de s’y rendre pour un jeune élève. On peut se permettre en revanche de faire un trajet de 20 minutes en métro ou en bus lorsqu’on entre en seconde pour aller au lycée. Par ailleurs, la situation de Paris est particulière et ne s’identifie pas à celle de la France entière. Il y a des régions comme le Nord et des villes comme Marseille où la diversité est beaucoup mieux représentée à l’école catholique, et où même parfois des élèves d’origine musulmane constituent l’essentiel de l’effectif.
Madame Vallaud-Belkacem est intervenue dans le débat hier, avec un entretien au même journal, mettant en garde contre la tentation d’imposer autoritairement la mixité sociale. L’éditorialiste maison a ajouté son grain de sel, en recommandant de moduler le financement public des établissements en fonction de leur composition sociale. Mais à ce compte, pour qu’il y ait égalité de traitement, il faudrait faciliter la construction de collèges, là où l’enseignement catholique est sous-représenté. Mais s’il était question d’affecter des fonds publics à cet effet, ce serait une belle bronca du côté de la gauche et du camp laïque. Il y a un précédent à ce propos, lorsque François Bayrou, ministre de l’Éducation nationale, proposa d’accorder une aide aux investissements du privé et qu’il fut obligé d’y renoncer à cause de la mobilisation de la gauche et de la censure du Conseil constitutionnel. La logique de la diversité devrait imposer la diversité des investissements. Mais de cela, il n’est pas question au Monde.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 8 septembre 2016.
