Que l’Église ait célébré le dimanche de la Miséricorde, alors que la France était secouée par la question de la morale en politique, ne peut pas ne pas provoquer en nous de sérieuses réflexions. Je lis à gauche et à droite les réactions des uns et des autres, je constate ici la colère, ailleurs la stupéfaction. Mais c’est la notion d’un grand choc de moralisation qui me retient le plus. Certes, il s’agit de proposer des mesures pratiques qui pourraient changer les habitudes, déraciner les mauvaises, encourager les vertueuses. Je n’en discute pas le bien-fondé. Mais puisqu’il s’agit de morale, les réformes institutionnelles peuvent-elles agir profondément dans le domaine des consciences ?
Cela ne va pas de soi. Il faudrait, dit-on, une nouvelle nuit du 4 août. La nuit du 4 août n’a pas été suivie que d’effets positifs. Si l’on songe qu’après la période robespierriste et son culte particulier de la vertu, sont venus les concussionnaires et les trafiquants d’après Thermidor ! Jean-Luc Mélenchon réclame une VIe République, qui mettrait fin au système présidentiel ? Nous avons connu des régimes parlementaires, qui, question corruption, n’étaient pas tristes. Je ne rappelle pas cela pour décourager les bonnes volontés. La réforme des institutions ne détermine pas nécessairement celle des mœurs. D’ailleurs, il faudrait se mettre d’accord sur les notions premières de la morale. Est-il vraiment sûr qu’il existe un consensus sur le sujet ?
Lorsque j’observe le libéralisme moral, qui confine à l’éloge du libertinage, se mêler brusquement à de grands cris d’indignation, j’avoue ma surprise. Peut-on être laxiste dans un domaine et d’une rigueur impitoyable dans un autre ? C’est un premier point. Il y en a un deuxième : comment tout un peuple peut-il s’accorder profondément dans un Ethos commun, des manières de vivre, des valeurs ? Il n’y a pas seulement le recours aux grands principes qui s’avère nécessaire, il y a aussi l’apprentissage humble du quotidien pour une vie droite et charitable, qui pourrait se rapporter à ce que George Orwell appelait la commune décence. Sans compter ce que nous rappelle le dimanche de la Miséricorde. Il n’y a pas de vie morale sans chute, sans reprise, sans secours de la grâce qui nous permet de nous relever, en nous entraidant les uns les autres.