Les manifestations qui ébranlent en ce moment les structures politiques du Brésil, sont l’occasion d’un examen approfondi de la situation de ce pays, souvent mis en tête des puissances émergentes. Qu’il se soit produit un miracle brésilien n’est pas niable. Il n’a pas commencé avec le populaire président Lula, dont le prédécesseur, le brillant universitaire Cardoso, avait créé les conditions financières d’un bond économique. Un essor remarquable a permis la sortie de la misère de couches importantes de la population. Pour quelqu’un de ma génération, le Nordeste brésilien était synonyme d’un sous-développement dramatique, avec des gens, des enfants, qui mouraient de faim. Dom Helder Camara, archevêque de Récife, s’était fait connaître, au moment de Vatican II, comme la voix de cette population sans espoir. C’était une période où l’on recherchait volontiers les solutions du côté des révolutions musclées en concurrence avec des régimes militaires extrêmement durs.
L’époque a changé, les mentalités, les idéologies aussi, avec notamment une classe politique, volontiers classée à gauche, qui est devenue gestionnaire d’une croissance économique dont les moteurs n’ont rien à voir avec subversions et pronunciamientos. On ne meurt plus de faim au Nordeste, et l’Église catholique ne vit plus à l’heure de la théologie de la libération. Soumise à l’assaut des mouvements évangéliques, elle doit retrouver en elle-même des ressources spirituelles nouvelles. La proximité des Journées mondiales de la jeunesse à Rio occupe toutes ses pensées et mobilise ses énergies.
La contestation de rue a mis en cause des dépenses somptuaires engagées pour des événements sportifs où, pourtant hier, toute la nation se serait soudée dans un même élan afin de soutenir ses champions. Mais les paradigmes culturels ont changé. La jeunesse se préoccupe moins de football, elle voudrait qu’on investisse massivement dans la formation, la santé, les transports. Le ralentissement de l’économie émergente met à rude épreuve les dirigeants et interroge sur les mutations du modèle brésilien. L’Église catholique est solidaire de ces mutations de fond. Les JMJ pourraient bien montrer comment elle répond, elle aussi, aux aspirations de la jeunesse, en transformant le champ d’une pastorale qui n’a plus les coordonnées d’avant-hier, ni même d’hier.
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 25 juin 2013.
Pour aller plus loin :
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- La grande semaine de la jeunesse du monde
- Vladimir Ghika : le contexte politique avant la guerre de 1914-1918