Un bon combat - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Un bon combat

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Dans l’Épitre d’un dimanche fin octobre, nous entendions, ou presque, les mots hardis de Saint Paul écrivant à Thimotée du fond de sa prison à Rome, dans l’attente de son prévisible et glorieux martyre. « Je me suis bien battu. » C’est ce que nous entendions de Paul.

À quoi pensait le comité de traduction ? Que Saint Paul avait réussi son examen de licence en théologie ? Qu’un jury lui avait attribué une bonne note pour un exposé ? Qu’il avait réussi 4 à 1 dans un match éblouissant ?

La poésie moderne, avec ses familiarités envers la grammaire et le sens des mots, a donné à de nombreuses générations de lecteurs l’étrange idée que la poésie ne concerne que de vagues sentiments et abstractions, et qu’il ne faut pas trop se pencher sur ce que le poète a voulu dire. Grave erreur.

En prose, on parlera d’un pied de chaise, sans plus ; le poète y verra une cheville, des orteils. Le théologien moyen déclare que nous devons nous intégrer au Christ ; le poète qui est aussi théologien pense à la tête et aux mains. Le membre d’un comité ecclésiastique déclare que les gens demandant à être circoncis devraient être éloignés de la communauté; le poète écrit à ses frères, zélés mais têtus comme des mules, avec des termes, disons, plus tranchés.

Mais il n’est pas simplement question de style ou d’effets de rhétorique. L’Écriture, c’est de l’or, pas un simple rocher peint en jaune. Nous voulons savoir précisément ce que disait Saint Paul, pour l’apprécier, méditer, et en entendre la résonance avec tous les autres carillons sacrés.

Voici ce que disait Saint Paul: « Ton kalon agona egonismai, ton dromon teteleka, ten pistin tetereka.» Regardons de plus près.

Remarquons d’abord que les noms précèdent les verbes, avec un parallélisme frappant. Le texte Grec signifie littéralement ; « Le bon combat, je l’ai mené, la course, je l’ai achevée, la foi, je l’ai conservée.» C’est important : conserver la foi, achever la course, et mener le combat. 1

La foi est une course, la foi est un combat. Atténuer les liens entre les objets, affaiblir la poésie, c’est éloigner de nos consciences le mystère à examiner: comment la foi peut-elle être un combat? J’imagine que Paul, dans l’attente de son exécution, avait pu vouloir nous envoyer un message à ce sujet.

Mais il ne s’agit pas d’un simple combat. C’est « le bon combat ». L’adjectif « bon » ne peut y être simplement accolé. Paul veut vraiment dire qu’il a bien combattu Mais il ajoute qu’il a combattu le bon combat. On peut se battre bien dans un mauvais combat, pour une mauvaise cause. Ici, c’est le « bon combat ».

La traduction en langue galloise, contemporaine de la Bible du roi Jacques [1631 King James] met la barre un cran plus haut, collant même mieux au sens double de l’adjectif grec: « mi a ymdrechais ymdrech deg: j’ai combattu un combat (qui était) merveilleux. » signifiant beau, splendide, admirable. Bel ouvrage !

Je reviendrai plus loin sur le combat. Considérons les verbes. Le premier, « egonismai » fait écho au nom « agona », ils ont même racine. Les deux verbes suivants n’ont aucun lien, mais sont structurés parallèlement en allitération et en rime — en fait, ils sont quasi-identiques: « teteleka », j’ai achevé, et « tetereka », j’ai conservé. On ne peut pratiquement rendre cet effet dans une autre langue.

Mais il n’est pas impossible de transférer de la poésie d’une autre manière en touchant la signification profonde de « teteleka ». Car le verbe grec signifie davantage que l’achèvement de quelque chose. Il signifie aussi l’accomplissement. « Teteletai » est le verbe qu’on trouve chez Saint Jean pour exprimer les paroles de Jésus sur la croix: « Tout est accompli – Tout est consommé. »

De plus, si nous ne pouvons à l’aide d’artifices linguistiques établir de lien entre les deuxième et troisième verbes, nous le pouvons entre les deux premiers, avec une tournure de phrase qui fait écho, alors que le troisième donne une brève et éclatante conclusion. « Le bon combat, je l’ai mené, la course, je l’ai achevée, la foi, je l’ai conservée. »

Le combat ? Saint Paul le décrit dans sa lettre aux Éphésiens 2:

« Revêtez l’armure de Dieu, pour pouvoir résister aux manœuvres du diable. Car ce n’est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes. C’est pour cela qu’il vous faut endosser l’armure de Dieu, afin qu’au jour mauvais vous puissiez résister et, après avoir tout mis en œuvre, rester fermes.» (Ep 6, 11-13)

Est-ce excessif? Pas tant que ça. Nous sommes lents à écouter, durs de cœur, nous retenons mal, nous sommes inattentifs, irrésolus, à la seule recherche de notre confort. Si on nous dit « Paul, le pauvre, pensait qu’il portait la crise du monde sur ses épaules. » notre réponse doit être: « N’est-ce pas ? Et n’en est-il pas toujours de même ?» Si maintenant est le bon moment, il est temps de nous enrôler et de combattre.

Si je ne me trompe, ne sommes-nous pas à une époque où les gens proclament le droit à démembrer ou à brûler dans le sel leurs enfants à naître ? Ou le droit de récolter des millions à la sueur du front des autres hommes? Ou le droit de polluer la planète par des ordures immorales? Une époque où les juges déclarent en leur âme et conscience: « nous ne reconnaissons aucun Dieu. » ?

Dieu nous accorde l’immense honneur de combattre pour son combat, soldats de la foi, de l’espérance, de l’amour, contre l’apathie, le désespoir, le manque d’amour dans le monde. N’est-ce pas encore plus beau et chaleureux que le « bon combat » ?

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Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/fighting-a-good-fight.html

Tableau : St. Paul en prison – Rembrandt van Rijn, 1627.

  1. NDT: le texte français de la Bible de Jérusalem diffère dans la forme. « J’ai combattu jusqu’au bout le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi. » (2 Tm 4,7). La structure typiquement grecque de la phrase — qui a frappé l’auteur de l’article — n’a pas été reprise dans la traduction moderne.
  2. NDT: l’auteur tire sa citation de la traduction — qu’il dit « musclée » — en anglais donnée dans le « Saint Joseph Missal » (Missel de Saint Joseph). Nous prendrons la version en français de la Bible de Jérusalem