Un auteur… Vénérable. - France Catholique
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Le martyre des carmélites
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Un auteur… Vénérable.

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Le 4 mai, le pape François a déclaré Vénérable par toute l’Église, le cardinal François-Xavier Nguyen Van Thuan qu’un peuple immense vénérait déjà dans le secret des cœurs… Un peuple qui aurait pu se limiter – et c’était déjà important – à l’archidiocèse de Saigon où le pape Paul VI l’avait nommé coadjuteur en 1975, soit quelques jours avant le déferlement des troupes Vietcong sur la ville. Le 15 août suivant, le jeune évêque est arrêté, assigné à résidence dans un village éloigné, en attendant d’être jeté en prison. C’est le début d’un long calvaire.

« Il faut beaucoup remercier les communistes, devait-il me dire beaucoup plus tard, grâce à eux, mon apostolat a pu se répondre dans le monde entier ! ». Dans le monde entier, il avait certes raison ainsi qu’on le verra… mais de là à remercier ses bourreaux ! Pour cela, il faut être un saint ! Il l’est déjà dans le secret des cœurs en attendant la reconnaissance d’un miracle.

L’arrivée des communistes allait en effet marquer le début d’une détention de quelque treize années dont certaines dans des conditions extrêmement dures 1, mais, aussi, du coup, celui de son apostolat mondial. C’est en effet durant les premiers mois de son arrestation, alors qu’il pouvait encore communiquer, qu’il écrivit au dos des feuilles journalières d’un bloc calendrier les « épîtres » qu’il destinait à son peuple. Restait à les faire sortir.

Un jeune garçon catholique qui passait chaque jour sous sa fenêtre pour se rendre à la messe, se chargea de les ramasser. Ainsi finit par me parvenir grâce à une étonnante chaîne de solidarité clandestine, ce petit livre « Sur le chemin de l’Espérance » que j’aurai la joie de publier en français et qui allait devenir un véritable best-seller. Il serait suivi de plusieurs autres, toujours sur le thème de l’espérance.

Le prix à payer fut un durcissement de ses geôliers. Sa cathédrale devint un cachot sans fenêtre. Il y célébrait la messe en secret, consacrant dans le creux de la main une miette de pain et une goutte de vin que des chrétiens avaient réussi à lui faire parvenir au péril de leur liberté et, peut-être, de leur vie. Il suffisait de bien peu pour être envoyé dans des camps dits de rééducation qui étaient surtout des camps de concentration. Il connut diverses fortunes, tour à tour détenu dans des conditions les plus inhumaines ou jouissant d’un semblant de liberté. Les autorités le changeaient fréquemment de lieux d’incarcération car il avait la dérangeante habitude de convertir ses gardiens.

A vrai dire, nous ne découvrîmes la déréliction et la grâce de ces années terribles qu’après sa mort lorsque nous publiâmes sa biographie (« Une vie d’Espérance »).

C’est qu’il était discret, ennemi de l’emphase, empli d’amour et d’humour, cet évêque qui allait devenir un père autant qu’un auteur tant il partagerait avec nous l’action que nous menions 2, parallèlement à notre activité d’édition, au service des peuples les plus pauvres du Sud Est asiatique. Aujourd’hui encore, les éditions du Jubilé/ Le Sarment et l’Institut du Fleuve, étroitement liés, s’efforcent d’être fidèles à l’exhortation apostolique « Christi Fideles laici » qui allie la diffusion de la Parole et sa mise en application concrète.

Lorsque survint sa libération, bientôt suivie de son expulsion hors de son pays natal, nous étions mobilisés par l’accueil des boat-people. Cette première phase allait s’achever. Restait à accompagner les réfugiés dans leur confrontation avec un monde occidental sécularisé. Il entreprit d’en visiter la diaspora particulièrement en Australie, aux États-Unis, en France, en Italie. Nous rouvrîmes en banlieue parisienne la maison Saint Grégoire, alors quasiment abandonnée. La communauté vietnamienne se dépensa pour remettre les bâtiments en état de recevoir des jeunes, mais aussi des familles entières en quête d’hébergement. Monseigneur Thuan y vint souvent pour prêcher des retraites. Nous y accueillîmes près de cinq cent jeunes asiatiques lors des JMJ. Des biens pensants, s’indignèrent que nous recevions ses jeunes coreligionnaires sans nous préoccuper de leurs origines, soucieux seulement de répondre aux détresses qu’elles fussent matérielles ou morales. Je lui demandai conseil. Il sourit : « Je vais vous raconter une petite histoire : Il y avait à Hanoï une dame fort pieuse et riche qui se rendait tous les matins à la première messe de la cathédrale. Elle devait traverser le parvis, vous connaissez l’endroit : les enfants de la rue qui y dorment, les pauvres femmes qui pour mendier les restes du marché, les handicapés sans toit, les jeunes perdus. Un jour, elle trouva porte close. Un petit papier y était agrafé sur lequel était écrit : « Je ne suis pas dans la cathédrale, mais sur le parvis »… signé : Jésus ». Ses treize années de détention, les relations amicales qu’il avait su nouer avec ses gardiens, lui donnaient une ouverture qui n’était certes pas celle des biens pensants. Il accueillait d’un même cœur tous les jeunes, fussent-ils enfants de ces communistes qui l’avaient opprimé, également attentif aux uns et aux autres. Pour ceux qui se destinaient explicitement au sacerdoce et qui devaient préalablement améliorer leur niveau de français, nous ouvrîmes une autre maison à proximité de Lourdes. Des générations de futurs prêtres, aujourd’hui incardinés en France ou au Vietnam, s’y succédèrent. Certains cheminent encore vers leur ordination.

En 1995, il avait été nommé postulateur de la cause de béatification du frère Marcel Van, frère rédemptoriste vietnamien, décédé en prison et dont nous venions de publier les premiers écrits dans des conditions sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir. Le procès de béatification fut ouvert le 26 mars 1997 au diocèse de Belley-Ars en présence de monseigneur Bagnard. Je m’y rendis avec quelques jeunes séminaristes ou catéchumènes à qui il remit leur première croix.

Certains prendraient François-Xavier comme prénom de baptême en attendant de faire un jour du cardinal, si Dieu le veut, leur « saint » patron…. « Si Dieu le veut » car en cela, la pression humaine ne fait que retarder, voire stopper ce qui appartient à Lui seul et à ceux qui en ont reçu le mandat. Il s’en inquiétait pour la cause de Marcel Van et je m’en souviendrais lorsqu’on m’appela à témoigner pour sa propre cause ouverte en 2007. Il convient de respecter, après leur mort, l’humilité et la discrétion qui a été la leur durant leur passage sur la terre.

En décembre 99, il m’appela du Vatican : «  Le Saint-Père m’a demandé de prêcher la prochaine retraite à la Curie… Vous pouvez me donner des idées ? ». Non, je n’avais pas d’idées sur ce qu’un archevêque témoin de la foi pouvait dire à l’assemblée des cardinaux réunis autour du pape ! Lui, en avait qu’il m’exposa de sa voix douce : « Je vais dire que Jésus avait beaucoup de défauts ! Il a fait trop confiance, il n’a pas sur gérer ses biens… ».. Et c’est ce qu’il fit et que nous pouvons lire dans « Témoins de l’espérance / retraite au Vatican » 3.

L’année précédente, il avait été nommé vice-président du Conseil pontifical « Justice et Paix » avant d’en devenir le président, succédant ainsi à deux autres auteurs de la maison, le cardinal Roger Etchegarray et l’archevêque Paul Cordés. C’est là que je devais le rencontrer pour la dernière fois le 2 octobre 2000, quelques mois avant une mort qu’il savait proche. Ce qu’il me dit ce jour-là, et que j’ai immédiatement noté, sort du cadre de cette relation, mais les mois, les années qui suivirent allaient m’en montrer la clairvoyance.

Créé cardinal le 21 février 2001, par Jean-Paul II, il devait s’éteindre le 16 septembre 2002 à l’hôpital romain Pie XI des suites d’un cancer, à l’âge de 74 ans[3]. Ses funérailles seront présidées par le pape Jean-Paul II lui-même, en la basilique Saint-Pierre le 20 septembre 2002.

Le 18 avril 2007, Mgr Giampaolo Crepaldi, secrétaire du Conseil pontifical Justice et Paix, a annoncé l’ouverture de la cause de béatification du cardinal François-Xavier Nguyên Van Thuân. Le 6 juin 2012, ses restes mortels ont été translatés à l’église Santa Maria della Scala, dont il était le cardinal diacre. L’enquête diocésaine de la cause, conclue le 5 juillet 2013, a conclu à l’héroïcité de ses vertus, ouvrant la voie à une possible béatification étudiée par la Congrégation pour les causes des saints. Depuis le 4 mai 2017, le cardinal François-Xavier Nguyen Van Thuan est donc, officiellement, Vénérable.

« Si le grain de blé ne tombe pas en terre pour y mourir, il reste seul. C’est quand il meurt qu’il porte beaucoup de fruits. » (Jn 12,24).

Jean-Claude Didelot

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Photo : Le cardinal Thuan et JC Didelot.

  1. « Une vie d’espérance » – éditions du Jubilé/ Le Sarment.
  2. Piété filiale – éditions du Jubilé / Le Sarment.
  3. Editions Nouvelle Cité.