«Aujourd’hui, l’Ukraine vit sa plus grande catastrophe humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale », avec 1 500 000 réfugiés, parmi lesquels 25 % d’enfants, obligés de quitter le Donbass à l’est du pays, a déclaré Mgr Sviatoslav Shevtchouk lors d’un voyage en France du 7 au 10 mai, à l’occasion de la célébration du millénaire de l’assassinat par leur frère des saints martyrs Borys et Glib.
Désormais, l’Ukraine « est en état de choc », mais au-delà de ses frontières, la guerre en Ukraine « est un grand défi à toute la communauté internationale », considère le chef spirituel de l’Église gréco-catholique, un archevêque de 44 ans. Selon lui, cette guerre qui a fait officiellement 6 000 morts, mais qui a causé probablement davantage de victimes, « peut encore être arrêtée par la voie diplomatique ». Mais il y a urgence. Après les combats depuis les vastes poches du Donbass, « la population redoute une nouvelle invasion ».
À l’heure du 70e anniversaire du 8 mai 1945, il déclare : « Que l’Europe défende ses propres valeurs, non pas par le recours aux armes, mais en manifestant sa solidarité avec l’Ukraine ».
Concrètement, il faut organiser une aide matérielle à la partie de la population restée dans le Donbass, notamment dans la zone tenue par les séparatistes pro-Russes, guettée par une famine. Les prêtres gréco-catholiques y transportent des vivres au risque de leur vie. Sur douze paroisses de cette Église dans l’Est du pays, seules les trois paroisses implantées à Donetsk sont restées ouvertes. Les autres prêtres ont été obligés de partir à la suite de menaces personnelles, ainsi qu’un tiers des fidèles à Lougansk. En Crimée, une discrimination a commencé, visant aussi les Tatars.
Du côté de Rome ? Mgr Shevtchouk — qui a connu le pape François en Argentine — apprécie que le Saint-Siège soit attentif au dossier, mais souhaite de sa part « des gestes diplomatiques plus clairs » pour obtenir que soit respecté le mémorandum de 1994 sur l’intégrité du territoire de l’Ukraine, dont la Russie est signataire.
Et vers Moscou ? L’Église gréco-catholique n’a « actuellement aucune relation avec le Patriarcat de Moscou » qui l’a attaquée, bien qu’elle ait eu de bonnes relations avec son ancien représentant local à Kiev, le métropolite Volodymyr aujourd’hui défunt. Mais en Ukraine, « l’unité entre Églises est en train de se faire à la base ». Peut-être est-ce un effet de la solidarité vécue sur le terrain lors des événements dramatiques de la place Maïdan début 2014.
Questionné sur le rôle parfois attribué aux États-Unis, accusés d’avoir voulu déstabiliser l’ex-URSS et instrumentaliser l’Ukraine contre Moscou, Mgr Shevtchouk répond qu’ « aucune manœuvre politique étrangère ne pouvait entraîner la société ukrainienne à la « Révolution de la dignité » qui s’est produite en 2014 ». Et que « jamais les États-Unis n’ont provoqué de l’extérieur une révolution de nature morale et spirituelle comme celle de Maïdan ». Car il serait « impossible de soulever un peuple de cette façon, depuis un pays étranger ».
A la racine de sa démarche, aux côtés des autres croyants présents fin 2013 et début 2014 à Maïdan, dans les rues de ce pays, orthodoxes, catholiques romains, protestants, juifs et musulmans, l’Église gréco-catholique d’Ukraine soutient le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Et notamment celui de cette « nation inattendue » qu’évoquait un historien européen, laquelle souhaite qu’on respecte son identité et qu’on lui permette de choisir son avenir.