Puisque le feuilleton a pris possession de l’opinion publique au travers des médias, reprenons-le aujourd’hui encore. Et distinguons deux éléments : il y a d’une part les révélations qui continuent à se bousculer. Et de ce point de vue, on ne peut que reconnaître à la parole libérée sa part bienfaisante. Il faut que certaines choses soient dites, il faut que les jeunes filles et les jeunes femmes soient averties de ce qui les menace, surtout lorsque le harcèlement sexuel s’est érigé en système, comme cela semble être le cas dans certaines organisations politiques ou syndicales. Même si le déferlement peut parfois déraper, il a sa justification. Mais il y a l’autre côté des choses, la contrepartie du déferlement. Sur quoi va-t-il déboucher ? La honte doit changer de camp, a dit le président Macron. Je préfère cette formule à celle qui s’est plusieurs fois énoncée : la peur doit changer de camp. Dans cette acception-là, il est entendu que nous sommes engagés dans une lutte camp contre camp, une lutte que remportera celui qui aura réussi à établir le meilleur rapport de force.
Certes, on ne peut être angélique : en ignorant ce qu’il y a de domination dans certaines relations entre les sexes, on s’expose à une naïveté coupable. Mais par ailleurs, n’envisager le problème que sous l’angle des rapports de force, c’est risquer de s’enfermer dans une impasse. Veut-on la guerre perpétuelle entre les sexes, ou veut-on créer un climat favorable à la concorde et, éventuellement, au bonheur commun ? C’est en ce sens que j’ai plaidé, ces jours derniers, en faveur d’un nouvel imaginaire social, qui pourrait nous tirer de nos difficultés actuelles. Inutile de se cacher que la tâche est particulièrement ardue. Elle l’est à cause, notamment, de la conception que l’époque a de la sexualité. Lorsque celle-ci s’exprime sur le mode compulsif de la pornographie, il ne faut pas s’étonner des dégâts. Dans le même sens, ne sommes-nous pas dominés par un pessimisme inspiré par une conception nihiliste de l’existence ?
Songeons au message ultime d’une Simone de Beauvoir, grande initiatrice du féminisme contemporain, qui considérait, au terme de sa vie, qu’elle avait été « flouée ». C’était bien la peine d’avoir répandu le feu de la contestation et de la libération ! S’il n’y a pas une lumière d’espérance pour les hommes et les femmes, il n’y a qu’amertume dans leurs relations. C’est pourquoi il faut imaginer autre chose. Et pourquoi pas un amour heureux ?
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 29 novembre 2017.