La gravité de la situation en Ukraine mobilise notre attention et suscite forcément notre inquiétude. Mais on ne saurait être surpris par cette escalade qui a conduit les forces armées russes à intervenir en Crimée. La constitution même de la nation ukrainienne suppose un équilibre des forces que les événements de ces dernières semaines à Kiev ont mis en cause dans un sens défavorable à la partie Est du pays, celle qui est tournée vers la Russie pour des raisons historiques, culturelles, politiques. Il n’était pas raisonnable de croire que Vladimir Poutine resterait sans réagir face au retournement de la situation à Kiev et il est d’autant plus enclin à le faire qu’il dispose incontestablement de l’appui d’une partie de la population. Comment s’étonner qu’à des mouvements de foule répondent d’autres mouvements de foule ? L’autorité du pouvoir ukrainien n’est fondé aujourd’hui que sur la victoire d’une insurrection de rue. Il faudra attendre les futures élections pour que la légitimité du suffrage consacre un nouveau président et tout le dispositif des institutions.
Mais cette seule légitimité ne suffira pas à assurer la paix civile, si elle ne repose pas sur un consensus national garant de l’intégrité du pays et de son unité. Faute que ce consensus soit établi, l’Ukraine est forcément livrée aux aléas des rapports de forces internes et externes. On ne peut faire abstraction des réalités de la géopolitique qui rendent problématique l’unité ukrainienne et mettent en concurrence la Russie et l’Europe occidentale, et même l’Amérique qui défend ses intérêts propres au-delà des principes du droit international. L’heure est au travail des chancelleries et de la négociation dans un climat de tension extrême. Il faut faire des vœux pour que des compromis interviennent pour arrêter l’escalade. C’est pourquoi, autant, personnellement je comprends que l’on tienne fermement ses positions, autant je crains que l’on ne compromette ses chances dans l’échauffement des passions.