Troisième jour du synode : à la recherche d'une action et d'un langage efficaces - France Catholique
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La justice de Dieu
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Troisième jour du synode : à la recherche d’une action et d’un langage efficaces

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Et voilà, le synode est au travail. Mais quel est ce travail ? Un des plus remarquables récits ayant filtré de la séance d’hier mardi, est que Jeff et Alice Heinzen, un couple américain de La Crosse (Winconsin), mariés depuis 34 ans, ont dit au Pape et aux évêques que l’Eglise est défaillante face à l’effondrement de la famille traditionnelle.

Maintenant, c’est une nouvelle qu’un couple de laïc vienne dire cela dans un synode, mais ce n’est une nouvelle pour personne, catholique ou non, que la famille est en crise, affronte de multiples crises. Ni que l’Eglise n’a pas su gérer cela. Mais ce n’et pas une grave critique puisque personne d’autre, milieu universitaire, gouvernement, médias, agences internationales, bien que discourant beaucoup, ne sait grand chose de ce qu’il y a à faire pour contrer la destruction d’une institution humaine aussi fondamentale, dont dépend une grand partie de ce qui est bon dans les sociétés humaines. Pourtant, il y a des remèdes bien connus, dont je parle plus bas.

Avec les nouvelles restrictions imposées par le Vatican, il est difficile d’appréhender le sens que prend la discussion en cours. Il est bon que les Heinzen aient mis les problèmes sur la table : le déclin alarmant du nombre des mariages, catholiques ou non, l’augmentation de la cohabitation, le haut (quoique, je dois dire,un peu stabilisé maintenant) taux de divorce. Et il semble donc qu’ils encouragent un développement énergique des programmes de l’Eglise pour lutter contre chacun de ces problèmes.

Mais quiconque a été engagé dans des débats concernant la politique familiale, en Amérique ou dans d’autres pays développés, va immédiatement se demander quelles pourraient être les vraies solutions, si ce n’est commencer par dire – avec vigueur – que de telles ruptures ne sont pas uniquement des choix personnels, ou des choses qui « tombent » sur certains couples, mais les signes d’un réel mal social.

L’auto-flagellation catholique sur de telles questions peut gratter d’obscures démangeaisons spirituelles, mais ce n’est pas comme si l’Eglise était la cause de la crise. Ou même comme si sa défaillance présumée à faire face à cette crise était une faute gravissime. Et les couples divorcés remariés qui se sentent « écartés » de l’Eglise, est-ce vraiment à cause de l’Eglise elle-même ?

S’il faut ajouter foi au résumé publié, les observations des Heinzen ont amené des réfexions sur le déclin de l’influence de l’Eglise, lié d’une certaine façon aux réactions contre le « cléricalisme ». Il est dit aussi que les évêques ont fait observer que « parfois l’Eglise semble plus préoccupée par le pouvoir que par le service et que pour cette raison elle ne s’attache par le coeur des hommes et des femmes. »

En prenant du recul, cela paraît peut-être à la fois vrai et faux, mais plus significativement encore, l’appoche introspective du pape est tournée en dérision. J’ai déjà fait observer dans ces pages combien il me semble difficile de trouver où l’Eglise a été si excessivement avide de pouvoir ces dernières décennies. En fait vous pourriez proclamer l’exact contraire, que l’Eglise aurait dû rechercher plus du pouvoir adéquat dans son témoignage public, dans son autorité enseignante, au bénéfice de ceux qui déclarent souhaiter suivre fidèlement le Christ, et dans ses fonctions nécessaires, consistant à mettre de l’ordre dans l’Eglise et par là dans la société. C’est une vieille trnité catholique : l’enseignement, le gouvernement, la sanctification.

L’humilité bien comprise est une bonne chose de peur de mourir de la vérité. Mais nous ne voulons pas à l’intérieur des institutions de l’Eglise de la sorte d’humilité qui décourage les papes, les évêques et même les prêtres de paroisse, qui leur donne à penser que l’Eglise peut seulement écouter, comme si elle n’avait rien à dire sur les désordres et manquements humains.

Quand le cardinal Kasper a mentionné l’autre jour que le terme « adultère » est agressif, il est bien près de dire que l’enseignement moral du christianisme, exprimé dans les termes que la tradition judéo-chrétienne a toujours utilisés, est maintenant trop rigoureux pour les tendres oreilles de nos contemporains, y compris nos coreligionnaires. Devrions-nous reformuler le Sixième Commandement pour qu’il ne choque pas ? Voire même les évangiles ?

Et maintenant nous voyons que lors de la conférence de presse de mardi soir, le présentateur de langue anglaise, le père Tom Rosica, a déclaré que « une des interventions les plus marquantes » soutenait que « un langage tel que ‘vivre dans le péché’, ‘intrinsèquement désordonné’, ou ‘mentalité contraceptive’ n’étaient pas nécessairement des mots qui invitent à se rapprocher du Christ et de l’Eglise… Il y a un grand désir que notre langage change afin de faire face aux situations concrètes. »

Si c’est vrai, c’est une recette infaillible pour des désastres encore plus grands. Il y a des remèdes à notre situation, mais pas si nous nous débarassons des armes (principalement morales) que nous avons.

Bien sûr, plusieurs facteurs contribuent aux crises de la famille : économiques, sociaux, culturels. Mais nous ne sommes pas marxistes ou déterministes. Nous avons tous la liberté de vivre des vies meilleures ou pire. Quand nous présentons cet argument, devrions-nous approcher les gens respectueusement ? Oui. (mais vous n’avez pas besoin d’être catholique pour avoir les égards les plus élémentaire dans vos relations avec les autres.) Devrions-nous proposer aux gens une orientation morale franche – en soi une forme de respect – la même forme de franchise que le pape a encouragé les participants du synode à exprimer, même s’ils croient qu’il n’est pas d’accord avec eux ? Parfaitement.

Aucun changement d’aucune sorte ne peut beaucoup contre le véritable tsunami qui détruit le mariage dans nos sociétés, surtout parmi les pauvres. Mais il faut commencer par le commencement. L’un des livres que je recommande souvent à ceux qui abordent le sujet est Mariage et morale chez les Victoriens, de Gertrude Himmelfarb. Nous sommes actuellement très subtils et nous savons que les Victoriens étaient des hypocrites qui ne pratiquaient pas ce qu’ils prêchaient. Tout à fait comme nous. Mais Himmelfarb montre comment les Victoriens sincères, voyant la détérioration de la famille produite par la révolution industrielle et l’urbanisation de populations antérieurement rurales – avec l’explosion de l’alcoolisme, de l’usage de drogues, de la prostitution – ont combattu.

Par exemple, parmi d’autres sujets, ils pensaient que la fin serait proche quand le taux de naissances hors mariage frôlerait les 20% (en temps « normal », il et d’environ 6%). Le nôtre se situe maintenant entre 35 et 40%, le double dans les communautés les plus pauvres. Des militants, pour la plupart inspirés par les institutions chrétiennes victoriennes, ont bricolé ensemble des programmes privés pour s’attaquer à un élément ou à un autre du problème. Et, surprise : ça a marché.

L’Instrumentum laboris, le plan de travail pour le synode, est favorable à ces sortes de solutions locales, dont aucune prise séparément n’aboutit à grand chose, mais qui mises en oeuvre ensemble peuvent retisser la structure de la famille et de la société. Si je devais faire une déclaration au synode ce matin, je dirais aux évêques d’essayer de conduire un réarmement moral sans implication du gouvernement. Tous les États modernes ont abandonné le langage moral en ce qui concerne le mariage et la famille – au vrai ils ont essayé de trouver un langage « neutre » pour décrire les pathologies sociales.

Et je continuerais : chers évêques, soyez des pasteurs délicats, mais n’essayez pas de poursuivre cette chimère d’essayer de tenir une controverse morale dans un langage semblant « inoffensif ». Il favorise seulement la souffranceet le déboussolement des gens et conduit à davantage de vies brisées.

Plaise à Dieu que nous ne voyions jamais l’Eglise perdre son temps à de telles choses les jours prochains. Certaines propositions sont seulement des entrées en matière provisoires, et peuvent s’évanouir après examen. Mais pour le moment, le perspectives ne sont pas bonnes.


Robert Royal est le rédacteur en chef de The Catholic Thing.

illustration : le couple Heinzen

Source : http://www.thecatholicthing.org/synod_report/synod_report/synod-day-3-in-search-of-effective-action-and-language.html