Travailler avec de meilleurs chefs d'établissement - France Catholique
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Pâques. La foi des convertis
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Travailler avec de meilleurs chefs d’établissement

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Les enfants sont de retour à l’école, et beaucoup d’entre nous se demandent avec inquiétude s’ils apprennent quelque chose. Année après année, les niveaux baissent, et nous sommes de plus en plus loin derrière les autres pays en terme de réussite scolaire. Et année après année, les gens s’en plaignent sans cesse mais rien n’est jamais fait.

Les réformateurs essaient de briser la puissance des syndicats d’enseignants, mais ils n’y arrivent pas. Et alors que les parents ne veulent pas injecter plus d’argent dans un système qu’ils estiment déficient tant qu’ils ne verront pas des améliorations systémiques, les enseignants et leurs représentants syndicaux continuent d’affirmer avec insistance que le système ne peut aller mieux tant qu’on n’y consacre pas plus d’argent. C’est le serpent qui se mord la queue. Le résultat, tout naturellement, est une impasse. Alors que faire ?

Quand j’étais plus jeune, j’avais tendance à supposer que le problème scolaire était l’existence de mauvais enseignants. Et cependant, quand je me remémore mon propre cursus, de qualité inférieure, je me rends compte qu’à côté de pauvres lamentables professeurs, j’en ai eu également de vraiment excellents. Toutefois, ce que nombre des excellents professeurs avaient en commun, c’est une détermination à braver l’administration.

Pour le dire crûment, presque tous mes meilleurs professeurs n’étaient pas bien vus de l’administration. Ils n’étaient pas adaptés au système, ils le bravaient et donc les bureaucrates incompétents dirigeant l’établissement osaient les virer. Certains étaient suffisamment diplomates ou suffisamment astucieux pour y échapper. D’autres se déplaçaient d’établissement en établissement, adulés par des générations d’étudiants partout où ils passaient, mais harcelés sans cesse par les bureaucrates.

Ce qui m’amène à ma proposition. Supposons pour le moment qu’il y a de mauvais professeurs et de très bon professeurs, et que ce que nous avons à faire est de différencier les deux groupes. Qui doit effectuer ce travail ? La vérité m’oblige à dire que c’est le travail du chef d’établissement. En prenant de l’âge et en acquérant de plus en plus d’expérience dans l’enseignement secondaire, j’en suis venu à prendre conscience que le problème principal n’y est pas le corps professoral, mais les agents administratifs complètement incompétents qui tentent de prendre barre sur eux.

Beaucoup d’institutions aux USA, je le crains, partagent ce problème. Ce qui détruit le pays est ce qui a détruit la Rome antique et toutes les grandes puissance depuis : la petite bureaucratie bornée qui étouffe l’innovation, tue la créativité et amoindrit les esprits de ceux qui sont forcés de travailler dans sa « cage de fer » (selon la description donnée par le sociologue Max Weber).

Personne aux USA n’est totalement à l’abri de la stupidité étouffante et banale de bureaucrates sans cervelle plus intéressés à remplir des formulaires et à respecter des procédures qu’à aider les gens à atteindre l’excellence et réaliser tout leur potentiel. Les systèmes dans lesquels nous vivons et travaillons ne peuvent retrouver l’équilibre tant que nous ne remplacerons pas les gestionnaires incompétents de niveau intermédiaire qui chapeautent un grand nombre de nos activités quotidiennes.

Dans l’éducation, il y a toutes sortes de ces petits gestionnaires qui seraient une distraction amusante si ce n’était l’emprise qu’ils ont pour dire aux enseignants ce qu’ils doivent faire et de ce fait, la plupart du temps, empêchent les enseignants de faire ce qu’ils devraient faire, c’est-à-dire lire, enseigner, noter les devoirs et écrire.

Dans le cas des écoles, permettez-moi de suggérer aux parents que ce qui ruine l’éducation de leurs enfants est principalement l’existence d’administrateurs royalement incompétents. Trouvez un directeur de première classe et, à condition de lui laisser suffisamment d’autonomie, vous aurez une école de première classe. Donnez ce poste à un petit bureaucrate borné, et ça ne prendra pas longtemps avant que l’enseignement n’y soit qu’un vain radotage.

Il fut un temps où, dans les établissements scolaires, on n’aurait jamais songé faire de qui que ce soit un chef d’établissement avant qu’il ou elle n’ait enseigné — et de manière remarquable — pendant au moins dix ou onze ans. Ce qui arrive généralement maintenant, c’est que des professeurs ratés qui détestent enseigner prennent quelques cours de second cycle en « administration universitaire ». Avant peu, ils sont directeurs-adjoints, puis directeurs, expliquant aux enseignants expérimentés, compétents, adulés, comment faire leur boulot, ce qui veut dire la plupart du temps ne pas faire leur boulot.

Le meilleur moyen pour apprendre à faire quoi que ce soit, et c’est encore plus vrai pour un métier de gestionnaire, ne consiste pas en études de second cycle. C’est aussi valable pour les enseignants. Si je devais rajouter à l’Enfer de Dante, je mettrais le type qui est venu avec l’idée que les enseignants ont besoin de plus de cours de pédagogie plutôt que de plus de cours de leur matière principale en bas, dans l’un des cercles inférieurs, avec les mauvais conseillers. Avec la tête devant derrière.

Maintenant, vous ne trouverez pas ou vous ne garderez pas des directeurs de premier ordre s’ils sont forcés de répondre aux sollicitations de bureaucrates sans cervelle placés au-dessus d’eux. Et si vous avez plusieurs strates de bureaucrates au dessus des directeurs dans vos écoles, ça signifie sans erreur possible que vous avez un surintendant scolaire qui aurait dû être viré depuis des années.

De nombreux surintendants des écoles sont comme tous les bureaucrates de niveau intermédiaire : ils ont passé d’un poste à un autre, relativement incompétents dans chacun d’entre eux, mais recrutés encore et toujours par ceux qui font l’erreur de croire qu’un candidat qui a souvent changé de poste est quelqu’un doté « d’une grande expérience » plutôt que quelqu’un qui ne peut réussir dans aucun des postes pour lesquels il a été recruté.

Si vous voulez améliorer les écoles, commencez par vous débarrasser des bureaucrates qui tuent l’esprit d’excellence. Plus de remplissage de formulaires interminables. Et plus d’obligation pour les professeurs de s’occuper de la discipline. Ca devrait être la tâche du directeur adjoint. Dès l’instant où un élève perturbe le cours, il doit être expulsé de la classe.

Les enseignants ne peuvent pas enseigner et en même temps prendre soin des des familles brisées et des problèmes sociaux. Ils ne peuvent faire que l’un ou l’autre. Nous avons sottement décidé d’en faire des nounous plutôt que des professeurs, et le résultat, c’est que nous avons des bébés adultes, qui ne savent pas lire, écrire ou effectuer les bases des mathématiques.

Nous devrions faire cause commune avec les syndicats enseignants : virer les bureaucrates bornés et leurs diplômes supérieurs et remettre les professeurs à la tâche qui est la leur : enseigner.

Imaginez un peu.

Randall B. Smith est professeur à l’université Saint Thomas où il a été récemment nommé à la chaire de théologie Scanlan.

Source : http://www.thecatholicthing.org/columns/2014/working-with-better-principals.html

photo : bureau du principal