Toutes créatures de Dieu - France Catholique
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« Ô Marie conçue sans péché »
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Toutes créatures de Dieu

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Photo d'un tardigrade

Photo d'un tardigrade

Au cours de l’été, il a été annoncé que le premier alunisseur israélien, le Beresheet, s’est écrasé sur la surface lunaire. À l’insu de la plupart des gens à ce moment-là, des milliers de tardigrades étaient à bord du vaisseau et sont maintenant, assez probablement, répandus sur la surface lunaire.

Qu’est-ce qu’un tardigrade demanderez-vous ? Un animal microscopique singulièrement fascinant. Virtuellement indestructible, il peut se déshydrater en une sorte de coquille de verre et demeure en vie suspendue pour des décennies, peut-être indéfiniment. Après une exposition à l’eau, ils ressuscitent. Leur capacité à survivre dans les conditions les plus extrêmes, des radiations au vide de l’espace, leur vaut à revendre le titre d’extrêmophile.

Et pendant que des scientifiques s’inquiètent des conséquences d’une survie possible après le crash de ces « ours d’eau » griffus, certains d’entre nous, qui n’avons jamais entendu parler d’une telle créature se sont réjouis de faire sa connaissance. D’autres, à qui nous avons montré avec enthousiasme des images de ces petites merveilles microscopiques, étaient un peu moins ravis, on le comprend aisément. Encore plus en apprenant qu’on trouve ces minuscules bestioles partout, probablement dans leurs propres gouttières. Les réactions couvraient tout le spectre, mais hésitaient souvent entre le dégoût, la peur et l’horreur à la seule idée de leur existence. La raison de leur création même était mise en question. Pourquoi Dieu aurait-Il créé quelque chose de semblable ?

En un certain sens, cela me rappelle cette époque où j’ai enseigné les religions du monde. Il y avait une notion commune et pourtant étrange partagée par différentes religions. A savoir que certaines créatures sont de la main d’êtres dangereux et malfaisants. Peu-être des dieux farceurs, peut-être des démons. Mais toutes ces bestioles ennuyeuses – les moustiques, les mouches, les serpents venimeux, les choses qui vous font grimacer ou vous rendent malheureux – toutes devaient être dues à quelque créateur malveillant.

Rien de tel dans le catholicisme. Notre Dieu, c’est absolument évident dans les Écritures, a créé absolument tout ce qui existe. Le visible et l’invisible. Les choses qu’on a envie de câliner et celles qui nous répugnent. L’inoffensif et le dangereux. Sans exception, tout vient de Sa main.

Cette guêpe mygale ? Qui (comme toute guêpe araignée qui se respecte) sait avec précision où piquer pour paralyser sa victime, l’emportant pour devenir un hôte mourant à petit feu pour nourrir ses larves ? Cela vient de Dieu !

Ce pyrosome de 60 pieds, dérivant et ondulant sinistrement à travers les eaux océaniques ? Une créature tout droit sortie d’un film de science-fiction, qui se débrouille, non seulement pour être gélatineuse, mais pour être composée de milliers de clones individuels, tous bougeant, dévorant et luisant comme une unique « corps de feu » ? Lui aussi vient de Dieu ! Même quand des pingouins et autres grands animaux sont trouvés piégés à l’intérieur de son corps tubulaire.

Et qu’en est-il du bernacle castrateur ? Voici un bernacle parasite qui prend bien plus qu’un corps de crabe. Il prend le contrôle de son esprit, le transformant en zombie que fera ce que veut le bernacle. Quel est le but de tout cela, direz-vous ? Que le crabe nourrisse et « mette au monde » les petits du bernacle à sa place. Et le bernacle s’organise pour effectuer cela avec une exhaustivité si brutale que les crabes mâles sont non seulement rendus infertiles mais qu’il leur pousse des organes femelles. Bon, qu’en est-il d’un tel animal ? N’est-il pas abominable ? Mais même là on trouve une créature appartenant au Seigneur Dieu.

Ceci, bien sûr, sans parler de légions de formes de vie encore plus déconcertantes, comme les virus et les mycoses – toutes cherchant, à ce qu’il semble, à trouver une opportunité de nous tuer. Et les bactéries ! En dépit de la culture populaire et de campagnes d’un marketing branché les répartissant soigneusement entre le camp des « bons » et celui des « mauvais », il n’y a pas une telle distinction. La même « bonne » bactérie que vous pouvez souhaiter dans votre tube digestif causera une septicémie et éventuellement la mort si elle passe dans la circulation sanguine. Qui peut saisir pourquoi ? Mais elles entrent toutes dans le mystérieux dessein de Dieu.

Et dans tout cela, le catholicisme a soutenu haut et fort que non seulement le Seigneur a fait toutes choses, mais qu’Il les a faites bonnes.

Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de résurrections occasionnelles de vieilles idées païennes, pointant la tête ici et là. Des vestiges restant de croyances superstitieuses que certains jours et saisons sont impies, ou que le voile entre ce monde et l’autre s’amenuise à « l’heure des sorciers » et que les démons se déchaînent alors. Comme s’ils ne rôdaient pas dans le monde tout autant les autres jours, cherchant la ruine des âmes.

Cette notion que certaines créatures ou phénomènes naturels seraient le résultat d’esprits malveillants et ne peuvent avoir leur origine en Dieu surgit principalement quand se produit du nouveau ou de l’inexplicable. Un exemple : pas mal de catholiques ont été entendus discuter avec passion de prétendus phénomènes extra-terrestres. Et ce faisant, ils ont évacué le courage intellectuel et la stabilité théologique de Saint Thomas d’Aquin en ces matières. A la place, Dieu est minimisé.

Ils disent : cela a une origine démoniaque, c’est sûr ! L’idée même est affreuse ! Leurs aptitudes semblent absurdes ! Toute l’affaire semble … eh bien, inconvenant. Pourquoi un Dieu bon aurait-il fait de telles créatures ?

Eh bien, je n’en sais rien. Je suis à peine capable de commencer à comprendre pourquoi la méduse écarlate est capable de régresser au stade de polype juvénile et de recommencer son cycle de vie des dizaines de fois. Ou pourquoi il y a des cordyceps (variété de champignons) qui utilisent le contrôle mental pour amener des animaux à leur trépas. Ou comment ces écureuils arctiques gèlent mais reviennent à la vie l’année suivante.

Le problème est moins pourquoi Dieu ferait des choses qui semblent terrifiantes, formidables ou simplement sans objet. Aucune de ces raisons n’est suffisante pour attribuer une créature à une origine mauvaise. La question qui me préoccupe réellement est pourquoi des catholiques devraient maintenant limiter la puissance créatrice de Dieu et sa souveraineté uniquement aux choses qui semblent inoffensive et (à nos yeux) belles. C’est comme si nous étions devenus aveugles à la vie sauvage et féroce qui jaillit dans tous les coins de Sa création. Faite pour Son objectif. Et Son plaisir.

Comme Il l’a dit à Job :

Peux-tu prendre le Léviathan à l’hameçon

Ou lier sa langue d’une corde ?

Peux-tu lui passer une cordelette à travers le naseau

Ou percer sa mâchoire d’un crochet ?

Te suppliera-t-il d’avoir pitié ?

Te parlera-t-il avec douceur ?…

Il regarde de haut tous les hautains ;

Il règne sur tous ceux qui sont fiers.

Alors, Dieu a-t-il créé des extra-terrestres ? Je n’en sais rien. Mais le Christ est Seigneur et Roi de cet univers insondable. Marquons solennellement une pause avant de décréter hâtivement qu’une de ses créations est mauvaise.


Taynia Franche dite Laframboise est écrivain, conférencière et spécialiste des Écritures, avec des diplômes de Marquette et de Notre-Dame. Elle est spécialisée dans l’anthropologie théologique et l’exégèse patristique.

Source : https://www.thecatholicthing.org/2019/11/23/all-gods-creatures/