Il y a eu une époque dans l’histoire de l’Argentine ou tant ceux du gouvernement que ceux qui étaient gouvernés étaient d’accord sur une chose importante : « notre territoire est vide, nous avons besoin d’augmenter notre population. » l’Argentine a ouvert ses portes à l’immigration et grosso modo, entre 1840 et 1950, beaucoup d’immigrants européens sont arrivés pour vivre principalement à Buenos Aires, Rosario et Cordoba, les plus grandes villes du pays.
Une loi exigeait que le septième fils de toute famille soit le filleul du président de la nation. C’était le moyen d’honorer les familles nombreuses, particulièrement celles qui procuraient des hommes solides pour les moissons et des jeunes pour les rangs de l’armée. Le pays, à cette époque, n’était pas seulement fertile, il était également socialement vigoureux, et incurablement optimiste.
Oui, il y avait des socialistes dans les années 1800, et même quelques-uns anticléricaux enragés, mais ils étaient considérés comme une minorité pittoresque et inoffensive, habitant en permanence les cafés élégants de Buenos Aires. Cela a changé avec l’immigration européenne d’après 1910. Des révolutionnaires, des carbonari, des socialistes, des communistes, des fascistes et bien d’autres ont commencé à arriver et à prospérer dans les années florissante du début du vingtième siècle, chacun apportant les idées étranges qui couvaient en Europe.
Leur arrivée a changé le paysage moral du pays. L’Eglise catholique d’Argentine n’a rien fait, ou peu de choses, pour inverser le courant. Il arrivait sans cesse trop de gens, depuis des décennies, changeant les mœurs de leur vénérable héritage hispanique en une Babylone hétéroclite. L’immigration incontrôlée a fini par stopper le développement d’une société très prometteuse.
Quelque cent ans après l’élection du premier membre du Parti Radical comme président, l’émergence et la chute du péronisme, des douzaines de « golpes de estado » militaires et divers crashs financiers, l’Argentine se débat toujours pour accepter sa propre décadence et – horreur des horreurs pour la psyché argentine – son insignifiance dans la famille des nations.
Restant une contrée vide manquant d’une masse critique suffisante pour lancer une économie décente, l’Argentine est en train de débattre une fois de plus de la légalisation de l’avortement.
La conversation est encadrée par les limites du relativisme. Cela fait mal d’entendre certains, dont par exemple le philosophe – par ailleurs plutôt intelligent – Santiago Kovadloff dire des choses comme : « un pays a la possibilité de grandir s’il admet que le consensus est un accord auquel nous pouvons parvenir en renonçant à la vérité révélée, générant ainsi une énorme possibilité de coexistence. Parce que si j’admets que je n’ai pas entièrement raison et si je suis également d’accord que vous pouvez avoir partiellement raison, je dois conclure que pour me passer de vous, je dois également me passer de la vérité. »
Cette déclaration, venant d’un penseur argentin de premier plan, est assez perturbante. Des commentaires de ce genre sont courants parmi l’intelligentsia locale. Souvent, ces pseudo-arguments à rallonge peuvent être résumés ainsi : « nous faisons notre propre vérité par consensus, il n’y a pas de vérité objective et celui qui n’est pas d’accord avec nous est un néandertalien arriéré ou un vestige du Moyen-Age, un agent des ténèbres. »
Certaines vérités scientifiques, objectivement prouvées, sont complètement ignorées. Par exemple, « après la fertilisation, les paquets d’ADN mâle et femelle forment un nouveau génome humain ». Cette déclaration est parfaitement acceptable pour déterminer la paternité et les responsabilités parentales dans la loi argentine mais ce principe même est absent – en fait il est évité à dessein – quand on discute pour savoir si oui ou non l’avortement tue une personne humaine.
Vous voyez, nos brillants intellectuels ne veulent pas se montrer « dogmatiques » mais une minute plus tard ils voudront la tête de quiconque nie que injecter du dioxyde de carbone dans l’atmosphère altère le climat terrestre. La science peut être bonne pour l’oie mais pas pour le jars.
Malheureusement, aucun des nombreux Britanniques, Allemands, grecs ou Italiens arrivés sur les rivages argentins n’a été capable de produire un philosophe de renom. Dans ce sens, l’Argentine reste stérile. L’état consternant du pays est le résultat direct d’un paysage intellectuel médiocre.
Qu’a fait l’Eglise pour aider ? Je ne dirai pas qu’elle n’a rien fait. Ce ne serait pas vrai. Mais l’Eglise d’Argentine détient un record en ce qui concerne ignorer ou même persécuter nos plus brillants. Le père Leonardo Castellani vient à l’esprit. D’un autre côté, la médiocrité a été dûment encouragée. Pour user d’une phrase familière souvent prononcée par les Argentins souffrants : « Es lo que hay » – c’est comme ça.
Dans ce triste contexte, des dizaines de milliers d’Argentins ont défilé le Dimanche des Rameaux pour protester contre la légalisation de l’avortement. C’était une marche nombreuse, pacifique, à l’échelle nationale, contrastant avec les petits essaims habituels de pagaille et de destruction marchant pour demander l’avortement. Des évêques et des prêtres en nombre ont été vus marchant avec leurs ouailles.
J’espère que cela marque la conversion des chimères de la théologie de la libération et du marxisme en général – Seigneur, écoute ma prière !
Les journaux locaux ont rapporté que durant la marche, Patricia, une citoyenne américaine – une ancienne employée d’un avorteur, ayant elle-même subi trois avortements – avait donné un récit déchirant de comment elle était parvenue à abandonner son style de vie antérieur de sexe et de drogue. Elle est maintenant engagée dans des mouvements pro-vie à l’échelle mondiale.
Puisque l’avortement est largement pratiqué illégalement dans nombre de cliniques huppées de Buenos Aires, on ne manque pas d’avertissements locaux supplémentaires sur l’horreur de la vie post-avortement.
Il était approprié d’avoir cette marche justement le Dimanche des Rameaux, quand le Logos, l’Auteur de la Vie Incarné est entré dans Jérusalem aux acclamations de la foule. Seulement quelques jours plus tard, il serait arrêté dans le jardin de Gethsémani. Rappelez-vous que le mot avortement vient de deux mots latins : ab (hors, arracher de) et hortus / ortus (jardin / naissance), « ce qui est sorti du jardin » ou « ce qui n’éclot pas ».
Des chefs religieux médiocres et des chefs politiques pusillanimes ont commis le pire crime de l’humanité en clouant sur une croix romaine un homme parfaitement innocent. Ce serait vraiment un bon signe pour l’Argentine – après un siècle d’obscurité – si ses législateurs avaient le cran d’affirmer la vie, ne prêtant pas attention aux foules hurlant : « crucifie-Le ! »
Carlos Caso-Rosendi, un nouveau contributeur de The Catholic Thing, est un écrivain américano-argentin. C’est un converti qui a été reçu dans l’Eglise Catholique en 2001. Il est le fondateur d’un site web espagnol intitulé « Primera Luz ». Il tient un blog en anglais. Il a écrit plusieurs livres. Il vit à Buenos Aires.
Illustration : la foule lors de la marche pour la vie du Dimanche des Rameaux à Buenos Aires.
Source : https://www.thecatholicthing.org/2018/04/04/all-life-matters-in-argentina/
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