Tout le monde parle de communauté - France Catholique
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La justice de Dieu
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Tout le monde parle de communauté

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Aucun doute, c’était ma faute, je manquais d’imagination et de foi. Mais je ne trouvais aucun sujet de conversation de fond à aborder avec mes voisins.
Jusqu’à il y a quelques semaines, nous vivions dans une agréable résidence à Arlington, en Virginie, assez proche du cimetière national. Mon temps de déplacement pour aller au travail était un rêve : 12 minutes quand il n’y avait pas de trafic, et 25 minutes quand il y en avait.

La résidence a changé ces dernières années. Il y a un rythme naturel dans l’évolution d’un voisinage. Les jeunes familles deviennent des familles moins jeunes, qui laissent la place à des nids vides, qui laissent la place à des gens âgés, et retour au point de départ. L’immeuble a commencé ce cycle il y a une dizaine d’années. A présent, il y a 17 enfants de moins de 12 ans, un vrai paradis pour les enfants qui jouent en poussant des cris les soirs d’été.

Les familles de la résidence sont des citoyens solides, gentil, joyeux, et complaisants. Mais quelque chose manquait : la véritable communauté. Mais comment est-ce qu’on la trouve ? Nous avons découvert que cela a beaucoup à voir avec les enfants.

Il y a des années, nous avions décidé, avant la venue des enfants, que les nôtres n’iraient jamais à l’école publique. Trop d’idéologie néfaste, trop grande ouverture sur la culture. Qui sait ce qui pourrait se faufiler par cette ouverture et dans les âmes de nos enfants ?

Cette décision et tout ce qu’elle comportait nous a arrachés à ma situation si merveilleusement proche de mon travail, à l’épicerie à notre porte, et à la bande d’enfants courant dans les cours d’immeubles. Ce n’est pas arrivé d’un coup, cela a pris des années.

Il y a quelques années, nous avons entendu parler d’une école Montessori, à Great Falls, en Virginie, à 20 miles de chez nous. Je croyais que les écoles Montessori étaient gauchistes. En fait, Maria Montessori était une catholique qui a découvert un manière thomiste d’enseigner aux enfants à travers leurs sens ; une méthode qui respecte le libre arbitre de l’enfant, et ne l’attache pas à un bureau pour apprendre des listes de choses.

Quand nos enfants en ont eu l’âge, nous les avons envoyés à l’Académie de Sienne, à l’église Sainte Catherine de Sienne. Ma femme a fait l’aller et retour chaque jour pendant 4 ans. Et petit à petit, très lentement, notre monde s’est séparé des gens de notre résidence.

Je ne suis pas bon pour les petites conversations, et celles des autres hommes m’ennuient particulièrement. Les hommes de notre résidence aimaient rester assis autour d’un feu de joie, à déguster de la bière, fumer des cigares, et parler de sports ou d’autres choses insignifiantes. Ils jouaient au poker. Une ou deux fois ils sont allés à des clubs de strip tease. Rien de vraiment bien méchant, mais rien de tout cela ne me convenait.

Qu’y avait-il après les sports ? La politique et la religion, deux sujets dont nous ne pouvions pas parler. Nous cachions la plupart de nos opinions politiques, mais pas notre foi. Les gens savaient qui nous étions, bien que nous n’ayons jamais fait de prosélytisme.

Ma femme était meilleure que moi. Elle s’était fait des amies d’autres mamans de la résidence, parlait à l’une de contraception, et à une autre des anges gardiens. Nos enfants aimaient beaucoup les enfants du voisinage – et nous aussi. Mais nous voyions apparaître la culture trop ouverte. Maintenant encore, nos petites filles chantent une chanson qu’elles ont apprise d’une très gentille grande fille qui habitait la même rue. « Profitons au mieux de la nuit, puisque nous allons mourir jeunes, nous allons mourir jeunes ».
Nous n’avions pourtant pas trop envie de nous déraciner, jusqu’au jour où nous avons remarqué quelque chose : Au cours de danse un samedi matin, nos filles ne connaissaient personne. Elles ne connaissaient personne non plus au cours de gym., ni même à la chorale de l’église. Elles étaient entourées d’enfants qui se connaissaient par leur école paroissiale. Mais les amis de nos filles, leurs meilleurs amis, étaient à Great Falls. C’est là-bas que nous les conduisions pour les goûters d’anniversaires, et autres distractions, mais ce n’est pas la même chose que d’être dans la trame et la chaîne de la vie quotidienne.

Alors, il y a un mois, nous avons acheté une maison à juste un mile de l’église et de l’école. Le changement a été magique, pas seulement pour les enfants, mais aussi pour nous 

Au bout de la rue vivent les BURKES qui vont à la même église et à la même école. A peine plus loin ce sont les Abelas, qui y vont aussi. Encore un peu plus loin, ce sont les Rylands et les Mac Cabes, qui font partie de la première vague de catholiques pratiquants de ce côté-là. Et il y en a d’autres, beaucoup d’autres. Nos amis les Hales appellent cela un nuage de témoins qui s’entraident à grandir.

Les gens que nous connaissons ici – et il y en a des douzaines,- sont des catholiques à l’esprit missionnaire, qui ont les mêmes aspirations que nous : élever nos enfants au sein d’une communauté catholique dans le même esprit, engagés dans la vie culturelle, mais en gardant un esprit critique.

Dans les jours qui ont suivi notre déménagement, nous avons été accueillis comme une famille de revenants : Burgers de dinde grillés au barbecue un soir, dîner à la fortune du pot en l’honneur du nouveau pape, et plein de conversations sur des sujets de politique et de religion. Il y a ici une vraie communauté, pas seulement pour nos filles, mais aussi pour nous.
Ce soir, vous nous trouverez autour d’un poisson frit pour le carême à l’église. Ensuite, ce sera le chemin de croix. Nous y connaîtrons à peu près tout le monde. Ceux que nous ne connaissons pas, nous ferons aussi connaissance. Et nos petites filles courront avec des amis qu’elles garderont peut être pour la vie.

Avons-nous été des lâcheurs pour les gens d’Arlington ? Peut-être pas. Mark Ryland, un de nos amis d’ici, nous a raconté l’histoire de l’époque où il était dans une société vaste et branchée. Ses collègues ne l’invitaient jamais à faire la bringue car ils savaient qu’il était catholique pratiquant, et père de famille. Un de ces gars a un jour appelé Mark et lui a dit : « A l’époque, je te détestais vraiment parce que tu étais tellement béni-oui-oui ! » Et puis il a ajouté qu’il venait de se convertir, et qu’il voulait remercier Mark pour l’exemple qu’il lui avait donné.

Je remercie Dieu pour la communauté que nous avons trouvée ici. Et je Lui demande de me rendre courageux – ou tout au moins, qu’en dépit de ma couardise, je donne toujours le bon exemple.

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Austin Ruse est Président de l’institut de la famille catholique et des droits de l’homme basé à New York et à Washington DC

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http://www.thecatholicthing.org/columns/2013/everyone-talks-community.html

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Photo : Eglise St. Catherine de Sienne Church à Great-Falls, Virginie.