Sans doute est-ce à cause des couleurs de l’automne, et de la subtile mélancolie qui s’y attache. La fête de tout les saints, qui devrait être une manifestation éclatante, reflétant la joie du ciel, a toujours eu, dans mon expérience, quelque choses de retenu, en demi-teinte, comme si elle n’était que le prélude de la célébration du lendemain, qui est celle des défunts. Bien sûr, avec nos défunts, ceux qui parfois nous ont quittés dans les mois qui précèdent, nous gardons un sentiment de rupture, blessés que nous sommes par le deuil, l’absence, et parfois un vrai déchirement intime. Pourtant, à y bien réfléchir, l’association des deux jours est parfaitement cohérente. Nos devons vivre notre relation aux êtres chers dans la perspectives de l’espérance du ciel. Ceux que nous fêtons le premier novembre, sont commis a entrainer tous les défunts dans l’immense mouvement de leur communion, dans la gigantesque liturgie qu’évoque le livre de l’Apocalypse.
Mais nous sommes aussi tentés d’établir une frontière étanche entre ceux qui sont dans la gloire et ceux qui aspirent à y vivre. Cette tendance est parfois renforcée par la propension à enfermer les saints dans un univers de légende. Une fois au moins, j’ai eu un peu de mal a m’expliquer avec un directeur de rédaction qui avait eut l’heureuse idée de présenter dans son journal toute une galerie de saints. Il refusa plusieurs de mes suggestions, car il les trouvait trop prosaïques. Il n’y avait pour lui, en somme, que des saints de vitrail. Je n’ai rien contre ces pures merveilles de l’art, mais j’estime aussi que les saints nous entrainent d’autant plus à leur suite que nous leur trouvons quelque chose qui nous ressemble, des éléments d’humanité qui nous touchent. Par exemple, le grand poète allemand Gœthe était infiniment sensible à la personnalité du fondateur de l’Oratoire, saint Philippe de Néri. Son épaisseur d’humanité se révélait dans un humour qui éclairait sans cesse son entourage.
Nous avons besoin que les saints soient nos amis, pour qu’ils nous prennent la main et nous fassent goûter la joie céleste, celle que Dieu seul dispense.
Chronique à Radio Notre Dame, 1er Novembre 2011.