En ces temps de Toussaint, je suis sollicité comme journaliste par des professionnels de l’inhumation. On s’interroge sur la crémation, dont l’usage s’est considérablement amplifié ces dernières années. On parle de plus en plus d’un accompagnement psychologique nécessaire pour aider ceux et celles qui affrontent l’épreuve de la séparation. J’ai lu ainsi une page entière du Monde, composée à partir de témoignages sur la difficulté de faire son deuil. La journaliste a rencontré des groupes rassemblant des personnes qui partagent leur peine et s’entraident. Mais le recours le plus nécessaire semble être désormais celui du psychothérapeute.
C’est vraiment l’air du temps. Sans cesse, à propos d’un événement difficile à vivre, d’un accident, d’un meurtre, on nous parle de cellule psychologique. C’est le premier souci des responsables en cas de coup dur. C’est la première initiative d’un directeur d’établissement scolaire pour venir au secours de ses élèves éprouvés. J’avoue mon scepticisme à propos de cette pratique mais ne songe à l’imposer à quiconque. Toutefois, j’avoue qu’à propos de la mort, de la perte du proche, du conjoint, de l’enfant, je me rebelle instinctivement. Tout ramener à soi, à sa blessure intérieure, que je ne nie pas bien sûr, me paraît terriblement mutilant. La grande question, c’est tout de même l’absence de l’autre lui-même. Sa disparition, comme on dit. Est-il possible de disparaître à jamais ? Peut-on se consoler par des formules pompeuses du style : « Le vrai tombeau des morts, c’est le cœur des vivants » ?
Pour être juste, je dois préciser que ma collègue du Monde signale cette question de la présence sous le mode du mystère du disparu, de sa personnalité originale. Mais tout de même, invoquer des thérapies cognito-comportementales spécifiques au deuil, n’est-ce pas passer à côté du vrai problème qui est celui du sens de la vie, de la consistance de la personne, du passage de la mort ? Eh oui, si la mort était un passage ? Il est vrai que nous entrons alors dans le domaine de la foi, de l’espérance, de la résurrection. N’est-ce pas le scandale de notre époque que ce vrai problème soit éludé, ignoré, voire éliminé ? C’est tout le message de la Toussaint : le Christ a vaincu la mort, et nos défunts sont dans la communion des saints.