La polémique sur le genre, qui a repris de plus belle depuis les propos du Pape, a au moins un avantage : celui de désigner un sujet essentiel, anthropologique, sur lequel il faut absolument se déterminer. Les enjeux sont trop graves. La difficulté, c’est qu’on a affaire très souvent à une bataille de sourds, au sens où les uns et les autres ne s’entendent pas, au sens littéral du terme. Les adversaires du genre sont désignés comme des obscurantistes, des intégristes, au surplus adversaires résolus de l’égalité homme-femme. Dès lors, leurs arguments sont tenus pour nuls, récusés par avance. On ne discute pas avec des obscurantistes. De plus, la récusation du concept de genre ne serait pas admissible, parce qu’il s’agirait du déni d’un instrument opératoire d’analyse, propre à mettre en évidence ce qui dans les rapports sociaux prédispose à des effets inégalitaires.
Il faudrait prendre le temps nécessaire à une critique de cet instrument, pour constater qu’il n’est pas purement opératoire, mais qu’il dépend de toute une conception philosophique, qui dévalorise la différence sexuelle à l’aune d’un naturalisme rudimentaire. La question sexuelle est singulièrement plus riche, plus significative. Il suffit de s’intéresser au dossier patristique et médiéval sur le sujet, qui montre que nous avons infiniment à apprendre de la théologie sur le terrain anthropologique. J’ajouterais qu’il y a un procès arbitraire fait aux objecteurs du genre, qui seraient fondamentalement hostiles à toute évolution sociale et notamment à la promotion de la femme.
Et puisque ce sont souvent les catholiques qui sont attaqués sur ce terrain, je dénie le fait que le monde catholique soit structurellement opposé à l’évolution de la condition féminine. Ce que j’observe autour de moi va directement à l’encontre de ce préjugé, ou de ce présupposé. Mais il est vrai que le féminisme d’inspiration chrétienne récuse l’agressivité. Il sait souvent inventer des voies originales où s’affirment en même temps l’évidence du changement des rôles et la persistance d’une différence qui enrichit les rapports sociaux. Et c’est tout le problème. Là où le genre ne perçoit plus l’intérêt de la différence, il importe de la valoriser dans une démarche toujours créatrice.