Décidément, la question de l’installation d’une crèche de Noël dans des bâtiments publics aura pris, cette année, des dimensions imprévues, avec des rebondissements intéressants. On apprenait, il y a deux jours, que Nicolas Sarkozy avait fait installer une crèche dans le hall d’entrée du siège de l’UMP. Précision supplémentaire : c’est Éric Ciotti, président du conseil général des Alpes-Maritimes, qui en avait fait don au président de l’UMP, étant lui-même le médiateur des habitants du village de Lucéram, qui fabrique, de longue date, des santons provençaux. Le même Éric Ciotti avait d’ailleurs procédé à l’installation d’une crèche provençale de même origine dans le hall de son conseil général. Ainsi n’y a-t-il pas que le seul cas du conseil général de Vendée à tenir à cette présence symbolique. On ne sache pas, pour le moment, que le préfet des Alpes-Maritimes ait intimé l’ordre d’enlever cette crèche, à l’instar de son collègue de l’Hérault pour la mairie de Béziers et son maire célèbre, Robert Ménard.
Un sondage nous avait appris entre-temps que 71 % des Français étaient favorables aux crèches de Noël dans les lieux publics. Serait-ce que la laïcité serait en danger et qu’il y aurait rébellion contre la loi de 1905, alléguée par le tribunal de Nantes contre la crèche de La Roche-sur-Yon ? Tel n’est pas du tout mon sentiment. Il y a d’abord la distinction opérée entre objet de culte et objet culturel. Il est trop évident que toutes les crèches évoquées ne sont pas des objets de dévotion. Et puis il y a aussi une question de symbolique. Y a-t-il une symbolique propre à la laïcité ? Sans doute un peu, dans la mesure où cette laïcité se rapporte à l’État lui-même. Mais en dehors du buste de Marianne, de la photo du chef de l’État, du drapeau national et des initiales de la République, je ne vois guère d’autres signes de référence. Pour reprendre l’expression du philosophe politique Claude Lefort, l’État laïque est un lieu vide qui n’officialise aucune symbolique séculière, sinon il serait partisan et s’identifierait à une idéologie. Cette neutralité ne saurait pourtant s’opposer à la mémoire vivante d’un peuple issu de siècles d’histoire. Notre laïcité publique ne peut conduire à l’amnésie collective en interdisant la symbolique de Noël.
Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame le 18 décembre 2014.