Il est réconfortant de constater l’existence de spectacles comme celui qui vient d’être présenté pendant une semaine à Paris, aux Invalides — trois fois par soirée du 11 au 18 avril. Bien sûr, on regrettera qu’il ne soit pas plus longtemps proposé à tous ceux qui pourraient le découvrir et qui, manifestement, viennent d’un peu partout, y compris de l’étranger. On a en effet là réunies une évocation consistante du passé et une utilisation remarquable des techniques d’illumination : La nuit aux Invalides permet, en une petite heure, de se plonger dans une histoire tricentenaire et, en s’accrochant à trois personnages, de comprendre au moins en partie l’âme de la France.
Depuis plusieurs dizaines d’années, les spectacles de son et lumière captivent les amateurs par la mise en perspective sur place de monuments et de sites historiques. Les récents progrès apportés par la technologie des lumières et l’expérience acquise par des sociétés et des villes, comme Lyon avec l’extraordinaire succès du 8 décembre, popularisent ces représentations à un haut niveau à la fois de sensibilité et de connaissance. En naît une alchimie qui, à partir du plaisir des yeux et de l’ouïe — ici, Cécile Duhamel, André Dussolier et Jean Piat —, ravit le spectateur non seulement en le transportant dans le passé mais en lui faisant comprendre le présent.
Voilà ce à quoi aboutit La nuit aux Invalides. En partant de Louvois, l’homme de l’idée créatrice et de la construction, trois personnages incarnent le développement de cet extraordinaire bâtiment passé, du fait de l’évolution urbanistique, de la périphérie au centre de la capitale. Avec Louis XIV, c’est la gloire à l’état pur, celle du Roi-Soleil. Avec Napoléon, c’est, après la décadence révolutionnaire, la remise en perspective nationale. Avec Charles de Gaulle, c’est l’esprit de résistance qui refuse la démolition. La période contemporaine est abordée, de plus en plus sobrement — conformément à l’évolution générale du spectacle —, pour qu’y soient associés les militaires victimes des opérations extérieures. Il y a là aussi une manière de revenir à l’origine de l’institution, conçue pour les soins à donner à ceux qui ont laissé une partie d’eux-mêmes sur les champs de bataille…
Une mention toute particulière doit être accordée au créateur, en même temps scénariste, directeur artistique et metteur en scène. Bruno Seillier totalise déjà une quarantaine de spectacles, du château de Versailles à la Médinat Alzahra de Sousse en passant par le viaduc de Millau. Son objectif visait non pas à enrober le lieu mais à l’exhausser pour mieux le faire comprendre et l’insérer dans le tissu national. Il touche donc le public par l’exaltation de ce qui constitue la trame d’une histoire dont chacun comprend qu’il est issu. L’écrin de la cour d’honneur est devenu, grâce à lui, un véritable joyau que les flammes et les éboulements projetés sur ses murs rendent plus cher et plus vivant ; grâce à lui, les spectateurs ne sont plus des invalides de la France : la voyant et la connaissant mieux, ils l’aiment davantage.
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