Thérèse, Bernanos et l'esprit d'enfance - France Catholique
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Marie dans le plan de Dieu
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Thérèse, Bernanos et l’esprit d’enfance

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Sainte Thérèse à l'âge de 8 ans.

Sainte Thérèse à l'âge de 8 ans.

Sur les relations de Georges Bernanos avec Thérèse de l’Enfant-Jésus, il faudrait se reporter à l’ouvrage de Mgr Guy Gaucher intitulé Tout est grâce (2009, éditions du Cerf), qui reprend la substance d’une retraite prêchée par celui qui fut évêque auxiliaire de Lisieux. Religieux carme, Mgr Gaucher s’est intéressé très tôt à l’auteur du Journal d’un curé de campagne, et sa spiritualité carmélitaine l’avait conduit à méditer sur la présence de Thérèse dans l’ensemble d’une œuvre. En quoi il était en plein accord avec le père Hans Urs von Balthasar qui l’avait précédé, dès 1956, par un essai magistral intitulé Le chrétien Bernanos (éditions du Seuil).

Pour le théologien suisse, l’œuvre de l’écrivain français recélait une ampleur ecclésiale qui recouvrait l’ensemble du mystère chrétien, mystère vécu à travers toute la vie sacramentelle. Et la petite carmélite normande lui avait été depuis toujours une inspiratrice majeure : « Sainte Thérèse est partout présente dans l’œuvre de Bernanos », écrivait-il, même lorsque son nom n’apparaît pas.

Son influence est particulièrement transparente dans La joie dont l’héroïne, Chantal de Clergerie, use d’images et de formules proprement thérésiennes : « La faiblesse entre les mains de Dieu, la légèreté qui “se laisse flotter”, “l’oiseau au creux de l’orage”, “la grisaille et la banalité”, “la petite enfance”, “la balle qu’on jette”, “la vocation des petites, non des grandes épreuves”, “l’aigle divin qui fond sur le cœur”, “l’excès de petitesse” qui garantit contre le diable »… Mais le curé de campagne lui-même n’échappe pas aux traits de la spiritualité thérésienne, avec « cette constante référence à sa propre insignifiance, qui en explique à lui-même l’importance et la signification, qui en amortit pour ainsi dire l’éclat. »

Si un mot peut concentrer cet esprit si caractéristique, c’est celui d’enfance. Thème bernanosien par excellence, qui suggère à l’écrivain ce type de formule qui n’appartient qu’à lui : « On pourrait dire qu’elle est devenue sainte en jouant aux saints avec l’Enfant-Jésus, comme un petit garçon qui, à force de faire tourner un train mécanique, devient, presque sans y penser, ingénieur des chemins de fer, ou même simplement chef de gare… »

Il est à noter que, chez lui, Thérèse est nécessairement associée à Jeanne d’Arc, à tel point que, lorsqu’il rédige sa Jeanne, relapse et sainte, il entend la dédier « à la chère et auguste mémoire de celle qui fut, avec Jeanne, la plus héroïque des saintes de notre race, un vrai petit chevalier français ».

Affadissement des écrits ?

Toutefois, Bernanos ajoute à cette dédicace un mot qui peut étonner, et même choquer : « Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, vendue par ses sœurs » ! Rétrospectivement, on s’interroge sur une telle accusation. Il est possible que l’écrivain ait repris le titre d’un film muet célèbre à son époque, Joséphine vendue par ses sœurs. N’empêche, cela fait choc ! Dans Les grands cimetières sous la lune, le polémiste ne craint pas de fustiger l’affadissement des images et des écrits de la sainte.

C’est un sujet de querelle qui rebondira par la suite. La publication d’Histoire d’une âme ne correspond-elle pas à un arrangement de l’autobiographie de Thérèse ? Arrangement certes, mais non trahison. Le Père Bernard Bro qui, avec des thérèsiens éminents comme Mgr Guy Gaucher et Conrad de Meester, fut à l’initiative d’un renouveau de la spiritualité de la carmélite, s’est opposé à une telle interprétation, à la suite d’une étude approfondie de l’élaboration d’Histoire d’une âme.

Mais ce qu’il faut retenir, en définitive, du Bernanos thérésien, c’est l’appel à la fraîcheur d’une enfance spirituelle.