Le succès de Jean Dujardin, qui a même tourné au triomphe, est donc total pour un film, The Artist, avec les cinq Oscars obtenus dans la capitale du cinéma américain, qui est aussi une capitale mondiale. A vrai dire, je n’ai absolument aucun titre à parler de ce film, qu’au demeurant je n’ai pas encore vu, n’étant qu’un cinéphile très amateur que ses occupations empêchent de fréquenter habituellement les salles obscures. Mais comment être insensible à un succès français de si grande ampleur, une première dans le genre, puisqu’aucun acteur français n’avais jusqu’alors été gratifié de la mythique récompense. Et puis il me semble à lire les articles de mes confrères qu’il s’agit autant d’une performance artistique que d’une performance promotionnelle, car le film n’aurait pu accéder à un tel sort, s’il n’avait été d’abord promu aux États-Unis par les soins d’un distributeur qui n’en était pas à son premier coup. Harvey Weinstein avait déjà mis tout son savoir-faire au service du discours d’un roi, qui pour l’Angleterre constituait un retour émouvant à un moment de son passé et de sa mémoire.
L’autre raison qui a fait aimer le film à nos amis d’Outre-Atlantique est justement qu’il concerne leur propre histoire, resaisie à cet âge d’or qui fut celui du muet. On pourrait dire que des Français ont mis tout leur talent à reconstituer pour les autres, et pas seulement pour les Américains, un imaginaire qui est celui-même de la fondation du Septième Art. Un journaliste du Monde remarque à ce propos que ce salut aux origines correspond à la mutation fondamentale qu’est en train de vivre le cinéma et que symbolise la faillite de la marque Kodak, qui n’a pas su franchir la nouvelle étape technologique du numérique.
Il me semble finalement que ce regard historique méritait d’être consacré, parce qu’il fait partie de la fonction de l’art qui consiste à reconstituer sans cesse sa propre histoire. C’est aussi vrai de la littérature que de la peinture. Alors bravo à nos artistes d’avoir renouvelé ce geste refondateur de la culture !
Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 28 février 2012.
Pour aller plus loin :
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