Le Renouveau charismatique catholique commence en février 1967, dans un groupe d’étudiants de l’Université Duquesne, dirigée par… les Pères du Saint Esprit, à Pittsburg, en Pennsylvanie. Patti Gallagher 1 participait à cette retraite de deux jours où l’on lisait les Actes des Apôtres et priait l’Esprit Saint. Passant devant la chapelle, elle y entre pour adorer un instant Jésus présent dans le Tabernacle. Elle se retrouve comme Moïse devant le Buisson ardent, et reçoit une extraordinaire effusion de l’Esprit. Les autres étudiants du groupe font ensuite la même expérience.
Le Renouveau des charismes avait commencé le 1er janvier 1901 à Topeka aux États-Unis, dans une retraite de protestants Méthodistes qui lisaient les Actes des Apôtres et demandaient la force de l’Esprit Saint et de ses charismes. Ils chantèrent en langues. Le même jour le pape Léon XIII invoque l’Esprit Saint sur le monde. Ces Méthodistes devinrent les Pentecôtistes. En effet ils furent rejetés par les Églises Protestantes classiques. Mais à partir de 1950 des protestants calvinistes, luthériens puis des épiscopaliens et des anglicans s’ouvrirent à ce Renouveau dans l’Esprit Saint.
Puis ce fut le tour des catholiques à Duquesne. Selon Vinson Synan : « Je crois que le week-end de Duquesne restera comme l’un des assemblées de prières les plus importantes du monde moderne » 2. En tout cas cette « Nouvelle Pentecôte » allait se répandre parmi les catholiques dans le monde entier. En 1972 elle avait atteint la France. Un prêtre trinitaire canadien, le P. Regimbald, le P. O’Connor à Trosly chez Jean Vanier, un novice jésuite américain à Lyon, un couple laïc français3. s’en faisaient les Témoins.
D’innombrables groupes de prière s’ouvrirent dans toute la France, et bientôt naquirent comme aux États Unis des Communautés : Chemin Neuf, Poitiers, Théophanie, Puits de Jacob, Sainte Croix, Lion de Juda, Emmanuel, Réjouis-toi et bien d’autres.
C’est en France que le Renouveau charismatique approfondit la synthèse de la stimulation reçue des protestants avec la profondeur des sacrements et de la Tradition catholique. Y contribuèrent notamment Pierre Goursat et Martine Laffitte (future Martine Catta), fondateurs de l’Emmanuel, le frère Albert de Monléon, dominicain, les jésuites Ignace de La Potterie et Stanislas Lyonnet, le P. Bourland, curé à Dijon, le P. Santier, fondateur de la communauté Réjouis-toi, aujourd’hui évêque de Créteil.
Vers 1974 le cardinal Suenens, à l’instigation de Véronica O’Brien, fondatrice de la Légion de Marie en plusieurs pays dont la France, visita aux États-Unis les groupes de prière et les grandes Communautés comme Word of God à Ann Arbor et People of Praise à South Bend, avec Ralf Martin et les Ranaghan. Il proposa la création d’un Bureau au service du Renouveau charismatique catholique et encouragea un congrès à Rome en 1975 : 10 000 personnes de tous pays, dont 1 000 Français, convergèrent vers la tombe et le siège de Pierre.
Le dimanche de la Pentecôte ils avaient pour eux la moitié de la basilique Saint-Pierre. Le lundi, ils l’avaient tout entière, en attendant le Pape Paul VI ils chantaient « en langues ». Même le journaliste du Monde, Robert Solé, en fut ému.
Pour la première fois les charismatiques recevaient une approbation officielle d’une église, et ce fut celle de l’Église catholique : « Comment ce renouveau spirituel ne pourrait-il être une chance pour l’Église et pour le monde ? » dit alors Paul VI. En 1981, Jean-Paul II disait que cette prophétie s’était réalisée dans un discours aux responsables du monde entier. Une semaine avant l’attentat dont il fut victime.
Quels ont été depuis les fruits du Renouveau ? Les groupes de prière ont persévéré, leurs membres fidèles ont parfois vieilli. Mais la joie et la louange en France ont pénétré toute l’Église. On se mit à chanter et à louer.
L’évangélisation est devenue quelque chose de normal, alors que dans les années 75 nous étions suspectés, condamnés comme extravagants et irrespectueux des incroyants aux yeux de beaucoup de prêtres et de laïcs actifs. Il est vrai que la lettre apostolique de Paul VI, Evangelii nuntiandi nous confirmait dans le feu pour annoncer l’évangile. En 1979, le pape Jean-Paul II recevant une équipe internationale du Renouveau présentée par le cardinal Suenens nous confirmait encore et nous renvoyait évangéliser au nom de l’apôtre Pierre.
Les communautés charismatiques ont aujourd’hui, particulièrement en France, droit de cité. Si certaines des débuts ont disparu, celles du Chemin Neuf, des Béatitudes, de l’Emmanuel, du Puits de Jacob ont pris de l’ampleur. L’Emmanuel compte plus de 12000 membres (dont 1500 au Rwanda) avec 280 prêtres.
Ces communautés forment dans le monde des réseaux de solidarité qui soutiennent les chrétiens et les poussent à évangéliser.
Huit évêques français sont issus du Renouveau : à Toulon, Créteil, Beauvais, Le Mans, Grenoble, Gap, Saint-Claude, Ordre de Malte et beaucoup d’autres dans le monde comme aux États-Unis, au Cameroun et ailleurs.
Des écoles d’évangélisation ont été créées, les premières par Daniel Ange et Francis Kohn, s’engageant dans des missions pour les jeunes et dans les paroisses. L’Emmanuel en anime aujourd’hui en France, en Allemagne, à Rome, à New York et à Manille. De nombreux professeurs de théologie sont aujourd’hui issus du Renouveau, aussi bien que des universitaires laïcs chrétiens.
Chaque été de grandes sessions rassemblant des milliers de laïcs, de prêtres, de jeunes ont lieu à Paray-le-Monial, à Ars, Lourdes, Lisieux, l’Île-Bouchard… Un prêtre qui y a participé disait : « En cinq jours j’ai plus confessé qu’en plusieurs années de ministère ». Les charismatiques partout dans le monde se sont engagés dans l’action sociale et le service des pauvres, par exemple en France les foyers du Rocher dans les cités difficiles. Des contacts et un dialogue sont entrepris avec les musulmans.
Le Renouveau charismatique catholique est-il un phénomène unique dans l’histoire de l’Église ? Le P. Bernard Peyrous 4., historien, a montré qu’à bien des époques depuis la Pentecôte l’Esprit Saint a soufflé sur l’Église des renouveaux : temps des martyrs, témoignages des premiers moines, la réévangélisation de l’Europe de l’ouest par les moines Irlandais, Cluny et Citeaux, les franciscains et les dominicains, le Carmel réformé de Thérèse d’Avila et les jésuites, les Oratoires de saint Philippe Néri, les missions paroissiales en France au XVIIe siècle, les nouvelles congrégations au XIXe. En 1802 au Concordat il y avait un prêtre pour dix paroisses, en 1880 la moitié des missionnaires dans le monde étaient français.
L’essor du Renouveau charismatique dans l’Église catholique doit aussi être mis en parallèle et en communion avec l’essor des Movimenti nella Chiesa : Shönstatt, Cursillos de Cristianidad, Foccolari, Communio e liberazione, Sant’Egidio, Le Chemin néocatechuménal, etc.
On fête les anniversaires quand les courants de l’Esprit Saint ont fini par devenir des institutions officielles… Prions pour que l’Esprit Saint ne cesse de souffler en tempête sur le Renouveau charismatique catholique, pour qu’il continue cet élan d’évangélisation dans l’Église. Les temps le nécessitent, la charité du Christ nous presse.
— –
Hervé Catta est l’époux de Martine. Il est aussi le président de France Catholique. Il a raconté les débuts de la communauté de l’Emmanuel notamment dans un livre très personnel : Des menhirs à Internet, éditions France Catholique, 212 pages, 22 e. On trouvera des extraits de ce livre dans cette rubrique de notre site.
- Aujourd’hui épouse d’Al Mansfield, responsable du Renouveau à La Nouvelle-Orléans.
- Vinson Synan, pentecôtiste, historien de ce mouvement. Conversation avec Patti Mansfield, rapportée dans le livre de celle-ci: Comme une Nouvelle Pentecôte.
- Xavier et Brigitte Le Pichon Xavier Le Pichon, membre de l’Académie des sciences, inventeur de la théorie de la tectonique des plaques
- Bernard Peyrous, éditions Mame, 347 pages, 20 e