Armel Gourmelon, né le 19 juillet 1941, interrogé par la JOC – Bruxelles donne quelques éclairages sur le passionnant livre-témoignage qu’il a écrit sur ses engagements (particulièrement dans la JOC). Ce livre est intitulé « Militant parmi tant d’autres ». Il est édité par Frédéric Aimard éditeur/SPFC et est distribué par Salavator Diffusion à Paris.
Ce qui suit en est donc un très bref résumé de cette aventure humaine aux multiples rebondissements.
Comment avez-vous découvert la JOC ?
1- J’ai découvert le mouvement par l’intermédiaire de l’aumônier fédéral de la JOC d’Angers, le père Lépine, qui intervenait de temps en temps dans le collège que je fréquentais. Mais je connaissais aussi la JOC par ma sœur aînée qui avait participé à Rome 1957. En outre, je fréquentais le groupe d’apprentis de ma paroisse. Après Rome 1957, la JOC d’Angers a entretenu des relations privilégiées avec l’internationale et de nombreux africains et africaines sont passées par Angers et beaucoup étaient logés chez mes parents. Nous avions des contacts avec Michel Moinet qui était au Brésil ; René Cochon d’Angers était permanent en Algérie. J’étais dans un environnement très porteur. Je me souviens très bien de la visite à Angers de Roméo Maïoné le président de la JOCI d’alors.
Et votre engagement international ?
En 1958 j’ai été appelé dans l’équipe fédérale d’Angers. J’y suis resté jusqu’en janvier 1964 avec une interruption de vingt-deux mois, d’avril 1961 à février 1963, pour cause de service militaire durant lequel j’ai pu démarrer (en cachette) la première équipe JOC du département dans lequel était établi mon régiment (les Côtes du Nord, devenues Côtes d’Armor, en Bretagne). La JOC n’était pas bien vue de l’armée à cette époque de la guerre d’Algérie !
Appelé par la JOC internationale pour une mission d’extension worker, je suis parti en juin 1964 au Malawi après un court passage à Paris à la JOC française et un stage de deux mois en Angleterre, à Londres, au siège de la YCW, puis à Middlesbrough. Je garde un souvenir inoubliable de l’accueil que j’ai reçu avant mon départ au siège de la JOCI , bld Poincaré à Bruxelles : Denise Verschueren, Jo Weber, Sonia Bravo, Angelina de Oliveira, Rienzi Rupa… et puis le père Cardjin. Et aussi cet accueil chaleureux à Rome, en route pour le continent africain, avec Jacques Meert un des pionniers de la JOC belge et Maria Mersman qui venaient y installer le nouveau siège du MMTC.
Que vous a apporté cet engagement ?
2 – La JOC m’a tout apporté sur le plan de mon engagement de chrétien dans le monde : une foi enracinée dans la vie, une ouverture au plus pauvre et au plus petit, l’importance du voir-juger-agir à la lumière de l’évangile en posant toujours la question : » si Jésus était à ma place, que ferait-il ? ». Aujourd’hui encore, je suis fier de dire que le chrétien que je suis c’est grâce à la JOC.
Comment êtes-vous passé au syndicalisme ?
3- Après la JOC, je me suis engagé dans le syndicalisme d’inspiration chrétienne à la CFTC. J’ai souffert non pas de ce choix, mais à cause de ce choix, car incompris de nombre de mes anciens amis de la JOC et de certains prêtres qui avaient opté pour la CFDT ou pour la CGT et qui considéraient que je reniais mes origines …
J’ai tenu le coup et je ne le regrette pas du tout car j’ai pu continuer à appliquer dans mon syndicat ce que j’avais vécu à l’école de la JOC à savoir la défense du plus faible et surtout faire en sorte que l’adhérent devienne à son tour militant avec et pour les autres.
J’ai aussi été appelé à fonder le comité diocésain du CCFD sur mon département du Maine-et-Loire en 1969 à mon retour d’Afrique à la demande de l’évêque Monseigneur Mazerat. J’en ai assumé la présidence durant 15 ans. Parti de rien, il y avait une trentaine d’équipes locales lorsque j’ai quitté en 1984 et un comité diocésain dans lequel la plupart des mouvements et services d’église étaient représentés (malheureusement ni la JOC ni l’ACO malgré mes efforts).
En 1974, j’ai été élu président de la Fédération nationale CFTC des agents des collectivités territoriales. En 1979, j’ai été élu membre du conseil confédéral de la CFTC puis membre du bureau confédéral en 1981. En 1984, j’ai été appelé pour venir à plein temps au siège confédéral à Paris ; avec mon épouse et mes quatre enfants nous avons accepté et vendu notre maison pour participer à cette nouvelle aventure.
La même année, j’ai été élu secrétaire général adjoint confédéral en charge de l’organisation et de l’immigration. J’ai œuvré à partir de ce moment là pour ouvrir encore plus notre confédération à l’internationale. C’est à cette période que nous avons retrouvé notre place à la Confédération Mondiale du Travail (CMT) dont nous avions été exclus après la scission de 1964 d’ avec la CFDT. J’ai été amené à effectuer diverses missions en Europe de l’Est avant la chute du mur de Berlin. Après la chute du mur, j’ai été chargé d’organiser des formations et des échanges avec les nouvelles organisations libres de la Roumanie et de la Bulgarie alors que nous poursuivions ces missions avec Solidarnosc avec laquelle nous avions établi des contacts depuis l’origine en 1980. En 1993 j’ai été élu vice-président confédéral avec la charge de l’Europe et de l’internationale. J’ai alors effectué de nombreuses missions en Afrique et en Amérique Latine notamment, auprès des organisations affiliées ou proches de la CMT. Dans le même temps j’ai été nommé membre du comité exécutif de la Confédération européenne des syndicats et membre du comité confédéral de la CMT. En 1998, au congrès mondial de la CMT j’ai été élu président de la Fondation de solidarité internationale et donc membre de droit du bureau exécutif de la CMT. J’ai aussi participé pendant 9 ans aux conférences de l’OIT dans le groupe des travailleurs ; j’ai été membre du conseil économique et social français et membre du comité économique et social de l’Union européenne…
Quel bilan feriez-vous de ce travail d’ « appareil » ?
4 – Je crois avoir aidé mon organisation syndicale à acquérir une plus grande ouverture sur le monde et aidé à une prise de conscience du mouvement sur la nécessité absolue de militer non seulement en France mais aussi dans le cadre d’une réelle solidarité avec les travailleurs du monde alors que le corporatisme et le repli sur soi sont, chez nous, des fléaux à combattre. Durant mes responsabilités à la CFTC, j’ai réussi aussi à créer des liens (qui étaient jusqu’alors inexistants), avec la JOC et le CCFD. Des coopérations ponctuelles ont fonctionné. Au début des années 2000, j’ai été membre fondateur de l’équipe d’organisation des Assises chrétiennes de la mondialisation.
En quoi la JOC vous paraît-elle avoir marqué cette époque ? Et aujourd’hui ?
5 – Que ce soit dans le mouvement syndical (quelles que soient les organisations) ou dans les partis politiques (essentiellement à gauche), la JOC a marqué de sa présence par l’intermédiaire de ses anciens militants. Si c’est encore le cas, c’est beaucoup moins visible du fait de la moindre présence de la JOC chez les jeunes. Mais je connais encore beaucoup d’anciens de la JOC de mon époque qui sont engagés dans des services d’église ou tout simplement sur le terrain associatif dans les quartiers, dans les restos du cœur, dans les organisations d’accueil des migrants et d’autres encore. Je suis personnellement engagé dans l’accueil des sans abri et dans un jumelage avec le Mali.
La JOC a été une véritable école de vie et de militantisme et elle a donné énormément de fruits.
6 – Je pense que la méthode du Voir Juger Agir à la lumière de l’évangile, reste d’une brûlante actualité. Mais le monde a changé. Rejoindre les jeunes d’aujourd’hui dans une société où les inégalités sont criantes et qui met l’accent sur le profit et la vie facile, ce n’est pas simple et certainement beaucoup plus compliqué qu’il y a 30 ou 50 ans.
Et pourtant beaucoup de jeunes ont soif de quelque chose d’autre. Ils s’engagent plus dans du ponctuel et moins dans le moyen et long terme. Leur parler de Dieu, du service du prochain, de l’ouverture au monde ne sont pas des sujets tabous. Il faut seulement trouver les moyens. Car la méthode de la JOC reste d’actualité, j’en suis persuadé.